Le JDD. Vous sortez de dix jours intenses de négociation avec les indépendantistes. Un accord a été signé samedi matin. Quelle est en l’issue ?
Sonia Backès. La Nouvelle-Calédonie reste et restera française ! Ce projet d’accord va changer la manière dont on vit depuis 30 ans, sans épée de Damoclès au-dessus de nos têtes puisqu’aucun autre référendum d’autodétermination n’est prévu. C’est un soulagement pour tout le monde, qui nous offre, enfin, un peu de stabilité.
Considérez-vous cela comme une victoire pour votre camp ?
C’est d’abord une victoire pour la Nouvelle-Calédonie, qui restera dans le giron de la République avec, certes, plus d’autonomie qu’auparavant, mais sans se détacher du destin de la France.
Pour parvenir à cet accord, vous avez dû faire des concessions…
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Nous avons accepté la double nationalité française et calédonienne, alors que nous y étions fermement opposés. Nous avons aussi accepté que la Nouvelle-Calédonie gère directement une partie de sa diplomatie, sur le plan économique notamment, et qu’elle soit reconnue comme un « État ». Les indépendantistes ont également fait des concessions. C’est un changement majeur pour l’archipel, qui n’a pas été simple à obtenir !
La très sensible question du dégel du corps électoral a-t-elle enfin été réglée ?
Oui, et nous en sommes très satisfaits. Pour parler de façon très concrète, près de 25 000 Calédoniens, jusqu’alors privés du droit de vote, pourront voter dès les élections provinciales de 2026. À terme, ils seront plus nombreux encore.
Le projet d’accord prévoit la mise en place d’une « loi fondamentale » calédonienne. Est-ce la fin de la loi française sur l’archipel ?
Non, la loi fondamentale se concentrera sur des problématiques très locales, ce que nous appelons l’auto-organisation, dans un cadre très réglementé. Rien ne pourra s’opposer à la Constitution française ni à la loi organique. Cette loi fondamentale concernera plutôt des questions identitaires : aura-t-on un drapeau officiel, un hymne ou une devise… ?
Des compétences régaliennes pourraient être transférées de Paris à Nouméa. C’était pourtant une ligne rouge pour votre camp.
Ce transfert de compétences a été l’un des points les plus difficile des négociations. Oui, c’est une concession, mais là encore, cette possibilité de transferts de compétences sera extrêmement encadrée, puisqu’il faudra l’approbation d’au moins 64 % de la représentation de la population pour que ces transferts soient acceptés. La soutenabilité de ces derniers devra aussi être validée par l’État. Nous avons voulu que la procédure soit la plus restrictive possible sur ce point-là.
Le projet d’accord mentionne une éventuelle reconnaissance internationale d’un État calédonien. Cette forme de diplomatie indépendante n’est-elle pas risquée eu égard aux ingérences étrangères qui ciblent la Nouvelle-Calédonie ?
Le projet d’accord prévoit que les intérêts stratégiques de la France soient préservés. La Nouvelle-Calédonie sera en mesure de nouer des partenariats économiques ou touristiques avec ses voisins, mais pas sur les sujets de défense ou de sécurité. On ne peut pas rester à l’intérieur de la souveraineté française et la contredire !
À l’issue de ce cycle de négociations, vos relations avec les indépendantistes sont-elles apaisées ?
La confiance n’est pas encore gagnée. Les indépendantistes doivent encore apposer leur signature et ne pas se dédire. Après les émeutes de l’année dernière, on ne peut faire comme s’il ne s’était rien passé. Personne n’oubliera ni ne pardonnera ce qu’il s’est passé, ce conflit ethnique que certains ont voulu nous imposer. La plaie n’est pas refermée, nous n’avons pas basculé dans le monde des bisounours.
Soulagée mais vigilante ?
J’espère que la confiance se reconstruira, brique après brique, mais la situation est loin d’être totalement résolue. On ne sait pas quelles seront les réactions dans les jours à venir, il y a sans doute des éléments virulents qui n’accepteront pas l’accord. Mais il faut retenir une chose : les Calédoniens ont choisi à trois reprises de rester au sein de la France : ils ont enfin été entendus.
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