« Si les écrivains veulent faire un don aux vraies victimes de ce drame… Car après tout, ils se font du fric sur leur dos, sûrement sans impartialité au vu des différentes interviews. » C’est par ces mots que L’association des victimes du bal de Crépol relançait sa cagnotte en ligne, destinée à couvrir les frais médicaux et de justice des blessés de la soirée du 18 novembre 2023. Les écrivains, ce sont ceux qui signent le livre Une nuit en France, sorti cette semaine, censé relater cette soirée d’horreur. « Eux n’étaient pas là, nous oui », résume Emmanuelle Place, présidente de l’association.
Elle n’hésite pas à qualifier les interventions des différents auteurs de « manipulation d’opinion publique ». Elle sait qu’il y avait beaucoup de monde, de l’affolement, un mouvement de panique, et que la vérité judiciaire n’est pas évidente à trouver. Mais elle insiste : « Encore une fois, c’est nous qui passons pour les méchants, c’est hallucinant. On passe une soirée tranquille, on se fait attaquer, on témoigne et on devient le problème ! »
Une malveillance dès le premier jour
En effet, les journalistes ont fait le tour des plateaux pour relativiser l’agression : « Ils ne sont pas venus à Crépol au bal avec des couteaux pour agresser des gens, ils sont venus et ils avaient des couteaux, c’est différent » ; partager la responsabilité en accusant les victimes d’avoir provoqué la bagarre ; contester le racisme des agresseurs : ils reconnaissent l’existence d’insultes racistes, mais déclarent que « le racisme anti-Blancs est un concept d’extrême droite » ; s’émouvoir de la « stigmatisation » des habitants du quartier de la Monnaie dont sont originaires la plupart des agresseurs présumés.
« Mais se faire traiter de facho parce qu’on a eu le malheur de raconter son agression, ce n’est pas de la stigmatisation peut-être ? », poursuit cette porte-parole de la colère de victimes, qui ne comprennent tout simplement pas ce qu’elles ont fait « pour mériter une telle injustice ». Il faut croire ces dernières, entend-on souvent. Eux n’ont pas eu cette chance : « Beaucoup de victimes ont refusé de rencontrer ces journalistes. D’abord parce que l’instruction est en cours, surtout parce que beaucoup de médias entretiennent cette malveillance depuis le premier jour. Nos témoignages sont systématiquement remis en cause, ceux des agresseurs présumés, jamais. Comment avoir confiance ? »
Marie-Hélène Thoraval, maire de la ville voisine de Romans-sur-Isère, a rencontré l’un des auteurs du livre, Jean-Michel Décugis, et avoue sa surprise devant le fossé qui sépare « la personne que j’ai reçue du contenu des pages qu’on m’a envoyées ». Accusée d’avoir « jeté de l’huile sur le feu » par les auteurs, pour avoir dénoncé la délinquance qui gangrène le quartier de la Monnaie, elle ne regrette rien : « Ils ont raison, il y a un feu, c’est même un brasier qui nous menace. Je n’ai pas jeté de l’huile, j’ai décrit ce feu, c’est tout. » Elle aussi regrette de se retrouver « au banc des accusés » pendant qu’on « trouve des excuses à ceux qui ont été capables de tuer ». Elle tient à protéger les victimes « dont ces auteurs salissent la peine », à défendre les habitants de Crépol « décrits par des images blessantes, insultantes et affligeantes », et aborde le sujet du racisme : « Pourquoi est-ce des personnes qui en sont victimes devrait être négligées dès lors qu’elles sont blanches ? Il faut sortir, et voir la réalité, ce racisme-là est désormais quotidien dans certains coins de France ».
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Seize mois après le drame, le meurtrier de Thomas n’est toujours pas identifié – l’omerta domine, mais la justice est attendue
Mais elle tient également à défendre les habitants du quartier de la Monnaie qui « se demandent si leur voiture aura brûlé dans la nuit, à quelle heure sortir de chez soi sans ennui, ou comment préserver leurs enfants des trafics ». Pourquoi ? « Parce que le livre est particulièrement insultant pour eux aussi. Aller expliquer que dans ce quartier, il est banal d’aller à un bal avec un couteau de 25 cm, parce qu’il sert à couper du shit, c’est générer le pire amalgame qui soit. »
Du côté des suspects, l’omerta domine
Seize mois après le drame, le meurtrier de Thomas n’est toujours pas identifié – l’omerta domine, mais la justice est attendue. « Il y a quatre autres blessés à l’arme blanche qui sont toujours suivis médicalement, décrit Emmanuelle Place. Des mamans traumatisées après avoir été menacées sur le parking, d’autres qui ont été blessés en tentant de nous défendre…. C’est d’eux dont il faudrait parler et c’est pour eux que nous attendons une réponse de la justice, parce que nous n’avons plus que ça. »
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