Avec le printemps et l’afflux de sève, les ambitions présidentielles fleurissent. Certains ont bourgeonné dès la sortie de l’hiver, à l’image de Dominique de Villepin, qui avait quitté la vie politique française il y a de longues saisons, et qui s’impose comme le tube de ce début d’année. Marianne s’emballe et lui offre sa Une – « Villepin en route vers l’Élysée » -, l’intéressé précise : « contrairement à Monte-Cristo, je ne reviens pas pour me venger ». Floraison plus tardive, Ruffin affirme qu’il a « la légitimité » – en vertu de la consultation qu’il a faite de lui-même – pour se présenter à la présidentielle.
À gauche toujours, Clémentine Autain n’exclut rien, tandis qu’au PS, François Hollande éclôt dans les sondages aux environs de 6 %, qu’Olivier Faure se prépare, et que son ancien camarade de banc, Boris Vallaud s’échauffe. Tout ce petit monde s’épanouit à l’ombre de la canopée Glucksmann – « prêt à laisser sa peau pour 2027 » -, qui culmine, au-dessus d’eux, à plus de 10 % dans les sondages.
J’allais oublier Bernard Cazeneuve, qui s’ébroue dans un tour de France à (très) bas bruit, pour répéter à l’envi qu’il s’effacera au profit du collectif avec une insistance qui souligne son envie de l’être (candidat). Plante persistante et envahissante, Marine Tondelier a désormais une jardinière d’appoint pour se planter matin, midi et soir, et la nuit, pour peu qu’on lui propose, sur les plateaux des chaînes d’info, radio, télé, web médias, kermesses, fêtes votives, baptêmes, voire corridas par goût de la provocation. Chiche ?! Sandrine Rousseau, la corrida pour un ticket dans la course, elle y va ! Tête baissée. Écolo toujours, Yannick Jadot, y pense aussi…
Villepin, Ruffin, Autain, Hollande, Faure, Vallaud, Glucksmann, Cazeneuve, Tondelier, Rousseau, Jadot, et bien sûr Mélenchon, Roussel… 13 ! On n’a pas encore fait le centre, la droite, la droite nationale… C’est plus un potager c’est un champ aux mille fleurs qui s’étend dans la plaine jusqu’à 2027 !
D’autant que dans la serre macroniste, on commence à manquer de place… Edouard Philippe (déclaré), Gabriel Attal (démasqué), François Bayrou (pénétré), Michel Barnier (illuminé), Gérald Darmanin (déterminé), Jean Castex (planqué), Élisabeth Borne (entêtée), Yaël Braun-Pivet (possédée)…
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Ajoutons à la liste non exhaustive le Saint-Pierrais (habitant de Saint-Pierre-et-Miquelon) Wauquiez, le Vendéen Retailleau, le Rambolitain Larcher, le sud-alpin Ciotti – si la Trinitéenne est empêchée et le Dionysien trop vert -, mais aussi le Yerrois Dupont-Aignan et le non remplaçable Zemmour… N’en jetez plus… C’est un printemps tropical aux floraisons indomptables qui épuise les Français, alors que huit saisons passeront encore avant qu’on en termine.
À deux ans de l’échéance, l’intrusion de la présidentielle éloigne un peu plus les Français de leurs dirigeants
La passion française de la politique recèle en elle le poison lent de l’ambition présidentielle qui, lorsqu’il monte trop vite et trop tôt aux bulbes de ceux qui nous gouvernent ou participent aux affaires du pays, confine à l’outrance et sacrifie les intérêts du peuple. L’outrance liée à la surenchère des « y a qu’à » « faut qu’on » de ceux qui, dans l’opposition, s’enivrent de promesses irrationnelles et de slogans faciles.
L’outrance liée au désintéressement de ceux qui, dans le camp du pouvoir, désertent le débat sur les réponses immédiates à apporter aux problèmes quotidiens des Français, pour se consacrer à de plus lointains desseins. Ainsi ce week-end, Gabriel Attal a-t-il tenu meeting dans le but – de l’aveu même d’un de ses conseillers en stratégie – « de montrer qu’il y avait un chef à la tête de Renaissance ». Comme si c’était là l’urgence pour le pays. Le RN, lui, a battu le pavé pour alerter sur le risque que sa candidate « de dans deux ans » ne puisse pas l’être. Où l’on se perd dans le sens de cette mobilisation entre l’intérêt proclamé du peuple et l’intérêt plus égocentré de la candidate.
La présidentielle est la rencontre entre un homme et un peuple, selon la formule gaullienne. Elle induit nécessairement un moment de forte personnalisation autour de ceux qui prétendent s’adresser directement, intimement aux Français. Mais à deux ans de l’échéance, son intrusion, liée en partie à la démagnétisation d’un président en fin de règne et en déclin, éloigne un peu plus les Français de leurs dirigeants.
La brutale et puissante poussée d’ego résonne comme un désintérêt des politiques pour le sort de Français inquiets, sonnés par les à-coups d’un Donald Trump qui secoue le monde comme il secouerait autant de gravité des maracas. Les Bourses s’effondrent, les banques collapsent, le commerce se grippe, le chômage menace, l’épargne vacille, le déficit se creuse, la natalité décline, l’éducation s’effrite, la société se fracture… Et les ambitions présidentielles bourgeonnent, telles des roses poussant sur un tas de fumier.
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