Gérald Darmanin, garde des Sceaux, les avait promises : les premières « super-prisons », ces centres pénitentiaires de haute sécurité, inspirées du modèle anti-mafia italien, qui visent à enfermer les narcotrafiquants les plus dangereux, vont ouvrir cet été, comme le ministre l’avait annoncé le 6 mars 2025. L’une à Vendin-le-Vieil (62) et une autre à Alençon-Condé-sur-Sarthe (61) : « On va montrer que quand on est en prison et qu’on est un narcotrafiquant, on ne peut pas téléphoner et on ne peut pas avoir une vie agréable », avait-il martelé à l’époque. Le ministre avait voulu taper fort et faire entendre sa voix, après les nombreuses agressions de surveillants et l’évasion du narcotrafiquant Mohammed Amra, commandité depuis sa prison et qui avait coûté la vie à deux agents pénitentiaires, en mai 2024. « La réponse du garde des Sceaux devait être à la hauteur du choc de ce drame », murmure-t-on dans l’entourage du ministre. La proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic a déjà été adoptée en première lecture par le Sénat et l’Assemblée nationale. Elle prévoit un régime de détention très strict, inspiré du modèle italien : le « 41 bis ».
Ce jeudi, la prison de Vendin-le-Vieil se dresse au beau milieu d’une zone commerciale, les murs extérieurs aussi gris que le ciel du Nord. Quatre miradors se dressent. Le directeur de la prison nous le confirmera plus tard : « Nous sommes ici dans une prison de peine longue, où des délinquants dangereux étaient déjà détenus. » Les infrastructures n’étaient donc pas vétustes : opérationnelle depuis 2015, cette prison-là est plutôt lumineuse et propre. Sa capacité – d’environ 160 places actuellement – n’était pas à son maximum.
Parmi les détenus : Salah Abdeslam et Rédoine Faïd
Le JDD est allé visiter en exclusivité celle qui sera active à partir du 31 juillet 2025 et accueillera une centaine de détenus, pour une durée de deux ans renouvelable. L’occasion de se rendre compte, concrètement, des nouveaux dispositifs mis en place pour accueillir ce public particulier : exclusivement des prévenus particulièrement dangereux, condamnés pour des faits en lien avec la criminalité organisée. Alors que nous entrons dans le sas, nous sommes prévenus : pas de portable, pas de photo des miradors ou des filets anti-hélicoptères. Rien qui pourrait donner des indices à d’éventuels complices des détenus encore présents. Parmi eux, Salah Abdeslam ou encore Rédoine Faïd.
Une étanchéité absolue avec l’extérieur
Le but de ces « narcoprisons » ? Une étanchéité absolue avec l’extérieur pour empêcher la poursuite d’activités criminelles et le maintien des liens avec un réseau d’appartenance, l’introduction de tout objet illicite en détention ou encore l’utilisation de moyens de communication avec l’extérieur, notamment les téléphones portables.
« Nous avons avancé très vite. Il faut se rendre compte que l’annonce ne date que de 3 mois. Ce qui est inédit, c’est que le travail du législateur avance en même temps que les travaux ici », souligne Cédric Logelin, le porte-parole du ministère de la Justice. Concrètement, quelles sont les nouveautés dans la prison, qui illustrent cette « vie pas agréable » promise par Gérald Darmanin ? Les quartiers « criminalité organisée » prévoient une restriction des plages horaires d’appels téléphoniques – deux fois deux heures de communication par semaine. Actuellement, qu’en est-il ? « Ils passent leur vie au téléphone », lâche le chef d’établissement, Marc Guinguené.
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Des cellules ultra-sécurisées
La cellule visitée à tout d’une « classique », comme la qualifie Marc Guinguené : lit, fenêtre, lavabo. Des détails pourtant changent la donne : toutes les cellules vont se voir équipées de caillebotis, et les portes de passe-menottes ainsi que d’un arrêtoir. Ainsi, en cas d’ouverture violente, la porte se referme et se bloque, protégeant l’agent pénitentiaire. Si les lieux de promenades restent inchangés, les futurs détenus ne pourront s’y rendre que par groupe de cinq – ils s’y rendent actuellement à une dizaine – et sa composition sera choisie par le personnel de l’établissement.
En cas d’ouverture violente, la porte se referme et se bloque
Autre modification : les 16 parloirs sont restructurés pour être modifiés en 8 parloirs hygiaphones : une glace empêchera tout contact physique. Les fouilles intégrales seront systématiquement mises en place après tout contact avec l’extérieur, sans surveillance. Enfin, un changement immense : des salles de visioconférences permettront de comparaître devant les juges pour ne plus risquer de fuites lors d’extraction. « Il n’y a pas de possibilité de passer sous les radars, surtout avec le système de brouillage – pour téléphone portable et drones – qui sera intensifié », assure un surveillant. Terminés aussi les petits travaux que pouvaient assurer des détenus, comme s’occuper de la buanderie : « C’est un poste parfait pour faire passer des produits ou des notes entre les cellules », souligne le même surveillant.
Une augmentation du personnel, qui sera formé
Dans les maisons centrales – où les détenus purgent des peines longues – le personnel de prison travaille en binôme : ici, 240 agents pénitentiaires encadreront la centaine de détenus : « Nos recrutements se passent bien : nous recevons le double de candidatures nécessaires », a souligné Sophie Bluet, directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lille.
Ces agents seront formés à manipuler les nouveaux outils de la prison, mais également à discerner finement les allusions ou paroles suspectes. « Les agents connaissent leur métier, cet engouement correspond à une envie de faire partie d’un nouveau processus et de servir son pays d’une façon particulière », glisse une fonctionnaire.
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