Bruno Retailleau veut reprendre la main sur le récit. Le locataire de la place Beauvau a réuni les journalistes ce jeudi 10 avril pour louer son action au gouvernement depuis sa nomination en septembre. Il espère ainsi briser les arguments des partisans de Laurent Wauquiez sur son impuissance au ministère de l’Intérieur. Derrière son pupitre, l’ancien patron des sénateurs LR a assuré « vouloir changer d’approche » et « assumer des ruptures ». Mais il a été clair : « On n’efface pas en quelques mois des années de déni et de désordre ».
Le premier flic de France a ainsi égrené ses premiers résultats. En matière migratoire, il a annoncé une augmentation de 6 % d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière. Constat similaire pour les éloignements forcés (+9 %) et éloignements aidés (+15 %). Plus de 1 300 étrangers qualifiés de menace à l’ordre public se sont vus retirer leur titre de séjour et près de 400 d’entre eux ont été notifiés d’une OQTF. Au niveau international, le ministre a dévoilé l’intensification des accords bilatéraux concernant les laissez-passer consulaires avec une hausse de 93 %.
Une circulaire bientôt transmise aux préfets
Concernant la maîtrise des flux migratoires, le nombre de titres délivrés a baissé selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. Les autorités ont délivré 9 % de visas de long séjour en moins. Les premiers titres de séjour fournis ont également chuté de 7 %. Une conséquence de la circulaire du 23 janvier dernier, selon Bruno Retailleau. Une autre circulaire devrait bientôt être transmise aux préfets, qui vise à renforcer les conditions d’assimilation et d’exemplarité pour obtenir une naturalisation. Deux propositions de loi adoptées au Sénat devraient également être reprises à l’Assemblée nationale : l’une allongeant la durée maximale de séjour en centre de rétention, l’autre imposant deux ans de présence minimum en France pour bénéficier de certaines prestations sociales non contributives.
Le Vendéen s’est aussi targué de l’adoption de la proposition de loi narcotrafic lancée lorsqu’il était au Sénat. Côté chiffres, il a évoqué une augmentation de 200 % des saisies de cocaïne et 46 % d’héroïne. Avant de passer à d’autres domaines : + 29 % d’interpellations contre les rodéos urbains ; + 65 % d’automobiles saisies ; + 41 % d’interpellations réalisées en marge des rencontres de football ; – 1,8 % de faits constatés de violences intrafamiliales…
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« Sans faire offense à Gérald Darmanin, ça fait longtemps qu’on n’a pas eu de tels chiffres »
« Bruno Retailleau a parfaitement raison de mettre en avant ses bons premiers résultats. Sans faire offense à Gérald Darmanin (précédent ministre de l’Intérieur NDLR), ça fait longtemps qu’on n’a pas eu de tels chiffres », se réjouit auprès du JDD le sénateur LR Roger Karoutchi. « Personne n’imaginait non plus qu’il allait totalement inverser les courbes. Tout ce que nous souhaitons, c’est que les politiques mises en place prennent progressivement effet », poursuit l’ancien secrétaire d’État de Nicolas Sarkozy.
Ce bilan ne fait toutefois pas l’unanimité chez les soutiens de Laurent Wauquiez. La conférence de presse « montre la volonté politique de Bruno Retailleau, mais celle-ci se heurte à l’inaction de l’exécutif », déplore au JDD le député LR Fabien Di Filippo. « Il doit la surmonter ou en tirer toutes les conséquences », poursuit-il, sous-entendant une possible démission. Malgré les quelques bons chiffres présentés, « la mascarade du week-end dernier en Algérie est un exemple criant des divergences au sein du gouvernement, qui empêchent d’obtenir des résultats sérieux », abonde le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb, l’un des seuls soutiens de Laurent Wauquiez au Palais du Luxembourg.
Wauquiez tente de se mettre en évidence
Le dossier algérien est un angle d’attaque récurrent des contempteurs du locataire de la place Beauvau. Au bras de fer assumé par Bruno Retailleau, Emmanuel Macron a finalement préféré la méthode douce. Quitte à fragiliser le ministre de l’Intérieur contraint de céder la main aux diplomates sans garantie de résultats. La rencontre entre Jean-Noël Barrot et Abdelmadjid Tebboune est d’ailleurs pointée du doigt par une partie de la droite. Cette visite est « une humiliation pour la France », a lancé Laurent Wauquiez sur CNews ce mardi 8 avril. « On s’apprête à rétablir les relations à la normale, alors qu’il n’y a aucun engagement du gouvernement algérien de reprendre ces OQTF. C’est lamentable », a poursuivi le chef des députés LR au Palais-Bourbon.
L’ancien président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes manque peu d’occasions de pointer le manque de résultats de son rival sur le terrain migratoire. Il déplore régulièrement qu’aucune « vraie » loi gouvernementale à ce sujet ne soit inscrite à l’ordre du jour à l’Assemblée nationale. En position de challenger dans la course pour la tête des Républicains, Laurent Wauquiez fait feu de tout bois pour se démarquer de Bruno Retailleau. Jusqu’à proposer d’enfermer les étrangers sous le coup d’une OQTF dans un centre de rétention administrative (CRA) à Saint-Pierre-et-Miquelon. Une suggestion jugée « déroutante » par le ministre de l’Intérieur.
Les deux camps sont conscients que les coups de canif font partie de la règle du jeu dans une campagne interne. « L’important est de ne pas alimenter des divisions qui n’existent pas », assure le député LR Fabien Di Filippo. « Tout le monde a intérêt à l’unité car on devra s’entendre au lendemain du vote (les 17 et 18 mai NDLR) », analyse de son côté le sénateur LR Roger Karoutchi. Avant d’envoyer une alerte à Laurent Wauquiez : « J’ai pu constater que dans toutes les élections, le candidat qui cristallisait le plus les tensions perdait toujours ». Pour sa part, Bruno Retailleau tentera de démontrer ses marges de manœuvre en début de semaine prochaine. Le ministre de l’Intérieur se rendra au Maroc pour évoquer plusieurs sujets phares : immigration, lutte contre le crime organisé et terrorisme.
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