Quand le dossier est arrivé à Matignon, François Bayrou a tranché. D’un geste politique habile – retors, diront certains –, il a décidé de couper le texte en deux. D’un côté, une proposition de loi sur l’aide à mourir ; de l’autre, une sur les soins palliatifs. Le découpage n’est pas anodin : il permet d’éviter qu’un vote favorable aux soins palliatifs entraîne mécaniquement l’adoption, même à contrecœur, du volet sur l’euthanasie. C’était déjà le dilemme initial : comment mieux accompagner les malades sans ouvrir la porte à la légalisation de la mort administrée ?
En séparant les textes, Bayrou offre une échappatoire aux réticents. Officiellement, il clarifie. En réalité, il désamorce. Mais l’artifice ne tient qu’un temps. Car les partisans de l’euthanasie refusent de voir les deux textes suivre des trajectoires séparées. Résultat : le vote aura lieu le même jour, le 27 mai. Un ajustement du calendrier parlementaire imposé contre l’avis du ministre de la Santé, Yannick Neuder, qui plaidait pour un délai entre les deux textes. Pourquoi ? Parce que le volet sur les soins palliatifs a toutes les chances d’être adopté à l’unanimité. En l’alignant sur l’autre, on espère créer un effet d’entraînement. Une stratégie de confusion qui avance masquée.
Mensonge n°2 : Les opposants vont bloquer le débat par obstruction
C’est l’argument massue pour justifier le vote groupé : éviter une obstruction parlementaire. En clair, une fois les soins palliatifs votés, les opposants à l’euthanasie feraient traîner les débats. « Ce sera deux votes ou rien », a prévenu Olivier Falorni, auteur du texte et militant infatigable du « droit à mourir dans la dignité ». Mais derrière la formule choc, une manœuvre moins noble. Car en verrouillant le calendrier, on bride surtout la délibération. Plus de mille amendements ont déjà été déposés – par les partisans comme par les adversaires. Fixer un délai aussi court pour examiner un texte aussi grave revient à organiser un débat à la hache. Plutôt que de prévenir l’obstruction, on risque un traitement expéditif. Et sur une question qui touche à la vie, à la mort et à la conscience, c’est une faute politique.
Mensonge n°3 : Le texte traite de la fin de vie, mais ne légalise pas l’euthanasie
À première vue, le mot n’y est pas. Ni « euthanasie », ni « suicide assisté » ne figurent dans le texte. Un flou sémantique assumé – revendiqué même, par Emmanuel Macron, qui préfère parler d’une « loi de fraternité ». Une formule douce pour un sujet abrupt. Le terme retenu est « aide à mourir ». Une expression volontairement vague, assez souple pour calmer les tensions… et assez floue pour inquiéter. Car cette aide n’a rien d’abstrait : elle consiste à provoquer la mort. Le médecin et député LR Philippe Juvin alerte : « Le texte ne concerne pas uniquement des gens en fin de vie. Une femme atteinte d’un cancer du sein avec des métastases osseuses pourrait être concernée, alors qu’il lui reste plusieurs années à vivre. » Le garde-fou invoqué repose sur la notion de pronostic vital engagé en phase avancée ou terminale. Une formulation qui inquiète nombre de soignants. En somme, on dit ne pas légaliser l’euthanasie, mais on l’instaure en contournant le langage.
Mensonge n°4 : Le cadre légal sera strict et les garde-fous nombreux
Sur le papier, le dispositif paraît verrouillé. Cinq critères : être majeur, français, atteint d’une affection grave et incurable engageant le pronostic vital, souffrir de douleurs inapaisables et être capable de discernement. Mais dès les premières discussions en commission, les digues ont commencé à céder. Un amendement permet au patient de choisir : auto-administration ou injection par un soignant. Plus besoin d’être incapable de se donner la mort pour demander qu’on le fasse à votre place.
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Un cadre rigoureux ? En apparence. Dans les faits, une pente glissante
Autre assouplissement : l’avis médical pourra être donné par un seul médecin. Pas d’avis collégial. Pas de contrôle judiciaire. Aucun magistrat pour encadrer la procédure. Enfin, le délai entre la décision et l’acte : « Cela peut aller de 0 à 17 jours », avertit Philippe Juvin, qui dénonce une procédure « expéditive ». Un cadre rigoureux ? En apparence. Dans les faits, une pente glissante.
Mensonge n°5 : La France ne fait que rejoindre ses voisins européens
C’est l’argument de la « modernisation » : la France ne ferait que rattraper ses voisins. En réalité, seuls cinq pays européens ont légalisé l’euthanasie active : Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Espagne, Portugal. Et seuls les deux premiers l’autorisent, sous conditions, pour les mineurs. Ailleurs, c’est le statu quo. Certains autorisent l’euthanasie passive, comme la France avec la loi Claeys-Leonetti. D’autres s’y refusent au nom du rôle du médecin comme gardien de la vie. Présenter cette loi comme une harmonisation avec l’Europe est une mystification. Il s’agit d’un basculement sans précédent. Un choix éthique et civilisationnel que nombre de pays refusent encore aujourd’hui.
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