Il fallait oser. Oser raconter la princesse de Galles à la première personne du singulier. Christine Orban l’a fait. Presque trente ans après sa mort, l’écrivain redonne vie à Lady Di. Les héroïnes célèbres ont toujours eu sa préférence. Avant Diana, il y a eu Virginia Woolf dans Virginia et Vita, Marie-Antoinette dans Charmer, s’égarer et mourir, Joséphine de Beauharnais dans Quel effet bizarre faites-vous sur mon cœur. Autant de femmes dont la romancière a eu à cœur de raconter la destinée. Celle de Lady Di a ceci de particulier que tout le monde la connaît. Ou croit la connaître. Ses moindres faits, ses moindres gestes constamment commentés, photographiés.
Pour la romancière, tout commence à Althorp ce jeudi 27 avril de l’année 1969. Diana Spencer n’a que huit ans et sa mère quitte le château familial. Un abandon qui n’est peut-être pas sans lien avec celui que Diana vivra plus tard. « Si maman ne m’aimait plus, qui allait m’aimer ? » Sans doute pas un futur roi qui en aimait déjà une autre. Diana pourtant y croit. Et jusqu’au bout ne cessera d’y croire. Christine Orban raconte son histoire. Celle d’un conte de fées qui se mue en tragédie. Elle n’édulcore rien. Ni les crises de boulimie. Ni les tentatives de suicide. Ni les scarifications. Ni l’anorexie. Son roman, bouleversant, brosse le portrait d’une femme fragile dont le seul rêve était d’être aimée. Rencontre avec celle qui a su si bien l’incarner.
Le JDNews. Pourquoi avoir choisi d’écrire sur Lady Di ?
Christine Orban. Je n’ai jamais été fascinée par la famille royale mais, il y a un an, je suis allée voir au théâtre Mademoiselle Else d’Arthur Schnitzler et, en sortant, j’ai dit à mon mari : « Je vais écrire sur Mademoiselle Spencer. » Je ne choisis pas mes sujets. Ce sont eux qui me choisissent.
Pour Diana, c’était une évidence. Je voulais raconter la femme, pas la princesse. Raison pour laquelle j’ai intitulé mon livre Mademoiselle Spencer. Je voulais signifier, par ce titre, la résistance de Diana à épouser une identité, celle de future reine, dans laquelle elle ne s’est jamais reconnue. Mon livre retrace son parcours. De l’abandon par sa mère à son ultime confession à la BBC. C’est l’histoire d’une jeune fille timide, au physique ordinaire, qui n’a pas fait d’études et va devenir une icône mondiale. Mon livre s’inscrit dans le droit fil de ses révélations à la BBC. Je montre comment et pourquoi elle en est arrivée là.
La suite après cette publicité
Comment aborde-t-on un tel mythe ?
Pour moi, la seule façon envisageable était la caméra intérieure. Je me suis mise dans la tête de Diana. Pour ce faire, j’ai beaucoup lu. Les biographies qui lui sont consacrées, celle d’Andrew Morton bien sûr, mais surtout ses interviews, ses discours. J’ai aussi beaucoup étudié les centaines de photos que l’on a d’elle. Stefan Zweig, dont je suis une grande admiratrice, disait que l’intuition est souvent bien plus importante que les froids documents. Je me suis inspirée de sa méthode. Je suis partie de ce qui a eu lieu, de ce qui a été dit, puis j’ai fait confiance à mon intuition. Certes, mon livre est un roman, mais je suis certaine ou presque de ne pas avoir trahi Diana. Elle et moi devions nous rencontrer. Je devais écrire sur elle. Je devais poursuivre la quête de vérité qu’elle avait amorcée avec sa confession à la BBC.
Avant Diana, vous avez incarné de nombreuses figures féminines. Qu’est-ce qui vous plaît dans le fait de vous glisser dans la peau de femmes illustres pour la plupart d’entre elles ?
J’aime avoir plusieurs vies. Pouvoir être à la fois religieuse, modèle, reine, impératrice ou princesse. J’aime aussi comprendre. J’aurais voulu être psychanalyste. L’écriture est un moyen de choisir mes patients. Et Diana était une patiente particulièrement intéressante. Elle s’apparente pour moi à une héroïne de tragédie. Diana, c’est Antigone. Elle ne veut pas enterrer son frère. Elle veut déterrer la vérité. La faire éclater au grand jour. Lorsqu’elle donne cette interview insensée à la BBC, vingt-trois millions de personnes l’écoutent mais elle, elle ne s’adresse qu’à une seule : Charles. Il y a quelque chose d’enfantin chez Diana. Elle ne supporte pas le mensonge. Elle veut la vérité. Quitte à tout perdre.
Dans votre livre, Diana se reconnaît en Mademoiselle Else. Vous êtes-vous reconnue en Diana ?
Diana est une femme extrêmement émouvante. Je crois que toutes les femmes sont touchées par elle. Tous les hommes aussi d’ailleurs. Je trouve qu’elle a apporté de la grâce, de la liberté, et de la sincérité à la Couronne d’Angleterre. Moi j’essaie juste d’apporter un peu de vérité dans mes livres. La littérature est mon petit royaume à moi. J’étais une enfant mélancolique. Les livres m’ont aidée à vivre. Je tente, dans ceux que j’écris, d’apporter des éléments de compréhension dans la vie des gens. Quand on comprend, on a plus d’indulgence. Comprendre l’autre est mon moteur d’écriture.
Vous faites de Diana une femme très attachante, qu’est-ce qui vous paraît essentiel pour la comprendre ?
On la surnommait la « princesse des cœurs ». Je crois que cette appellation était très juste. Diana était une femme de cœur, c’est d’ailleurs ce qui l’a perdue. Une femme qui aurait pu dominer ses sentiments, aurait pu s’arranger de la situation et serait reine aujourd’hui.
Diana, et c’est en cela qu’elle me plaît, va où son cœur la porte. Elle épouse Charles parce qu’elle est amoureuse de lui. Quand sa sœur la met en garde, elle ne l’écoute pas. Je crois que Diana s’est aidée en aidant les autres. Pour la première fois, elle s’est sentie utile dans les hôpitaux, auprès des gens qui souffraient, et s’est servie de manière efficace du titre qui lui avait été donné.
Vous n’êtes pas tendre avec Charles. Que diriez-vous de sa relation avec Diana ?
Moins que le couple princier, ce sont les règles monarchiques qui posent problème. Le futur roi doit épouser une femme de haute noblesse susceptible de donner un héritier à la Couronne. Et, déjà là, tout est faussé. On épouse une femme qu’on aime. Point. La seule erreur de Charles, si on peut parler d’erreur, c’est d’avoir été déchiré entre l’amour d’une femme et le devoir qui l’appelait. Il a choisi le devoir. Il a tenté de satisfaire la royauté et s’est marié avant trente ans comme son père le lui avait demandé. Il a donc tout respecté. Si je ne suis pas tendre avec lui, c’est parce que je me mets dans la peau de Diana. J’ai pris fait et cause pour elle. Mon livre retrace les chocs qu’elle a endurés. Donc, évidemment, cela ne rend pas Charles très sympathique. Je reste persuadée que, s’il lui avait proposé de repartir de zéro, elle aurait accepté.
Source : Lire Plus





