
Au Rassemblement national, on ne parle pas du plan B. On le susurre, à voix basse, en jetant des coups d’œil furtifs par-dessus son épaule. On le conjure, comme un mauvais sort. Et pourtant, il se prépare, au cas où… Il a un nom, vingt-huit printemps bien peignés : Jordan Bardella. Dans les couloirs du parti, l’avenir judiciaire de Marine Le Pen obsède les esprits. Il y a ceux qui digèrent, ceux qui sont dans le déni, ceux qui font semblant, et ceux, lucides et inquiets, qui anticipent. Marine Le Pen n’a-t-elle pas désigné Bardella comme « l’héritier » ? La transmission pourrait s’accélérer.
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C’est elle qui l’a lancé dans l’arène, en 2019, comme on jette son fils dans le vide pour lui apprendre à voler. Elle encore qui lui a remis les clefs du parti en 2022. Et c’est dans les colonnes du JDD, début 2024, qu’elle a scellé leur pacte présidentiel. Mais entre eux, bien des choses relèvent du secret. « Leur relation, c’est une boîte noire », confie un intime. Fermée, scellée, verrouillée. Ce lien, que certains s’aventurent à qualifier de filial – à tort, jurent les deux intéressés –, ne se nourrit pas de mots. Elle admire son culot derrière l’apparence policée du bon élève, mélange d’assurance et de discipline. Lui dit sa reconnaissance à chaque prise de parole. Jusqu’à présent, leur duetto n’a jamais fissuré.
Anticiper plutôt que subir, donc. Un murmure qui court les couloirs : en cas de dissolution, Marine Le Pen songerait à lui céder son fief d’Hénin-Beaumont – et la présidence du groupe RN à l’Assemblée qui va avec. « Ce serait un acte de confiance absolue, un geste fort à l’adresse des classes populaires », souffle un proche. D’autres grincent des dents : « Outre que Jordan doit écrire sa propre histoire, ce serait reconnaître que Marine abdique. Et elle ne le fera jamais. » Car Le Pen reste une bête politique, blessée mais debout et consciente que dans cette partie d’échecs, ce n’est ni la rue ni les urnes qui décideront. C’est la justice.
« Ce serait reconnaître que Marine Le Pen abdique »
Elle a tout envisagé. Même l’inimaginable. Si la cour d’appel, à l’été 2026, lui ferme la porte de l’Élysée, elle ira en cassation. Mais elle renoncera, officiellement. Un congrès serait convoqué à l’automne. Et Bardella deviendrait le candidat du RN. Quelques mois pour enfiler l’habit. « Si elle en parle, c’est qu’elle sait que c’est foutu », lâche un ministre de premier plan. « Pas du tout, réplique un fidèle, elle pense à l’intérêt supérieur : le parti, nos idées. On ne fait pas six mois de campagne sans savoir qui est le candidat. » Les dés n’ont pas encore roulé. Mais la table est déjà mise.
En attendant, Jordan Bardella joue un rôle impossible : celui de l’héritier, sans testament ni couronne. « Sa position est délicate, il doit esquiver et temporiser », souffle un proche. Il lui faut être prêt sans avoir l’air pressé. Présent sans jamais paraître pressant. Car à la moindre impatience, ses ennemis – dedans comme dehors – lui tailleraient aussitôt le costume de Brutus. Alors il avance à pas feutrés, dans les marges du récit mariniste. Il attend. Dans l’ombre. Non pour trahir. Ni pour précipiter le destin. Mais pour accueillir l’héritage. Sauf si la justice décide de changer la fin du film.
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