
Une zone en friche, au sud de Rodez : le projet abandonné de parc des expositions, dont le coût était estimé à 27 millions d’euros, est brandi par le maire comme l’exemple-type d’une conséquence de la baisse des dotations de l’État. Christian Teyssèdre en a fait une croisade, agitant ses tableaux Excel : la baisse continue de la dotation globale de fonctionnement (DGF) dans sa ville a même fini par le faire rompre avec le macronisme. L’élu estime que Rodez est la plus touchée de toutes les communes de plus de 20 000 habitants. Une obsession pour faire diversion, dénonce Stéphane Mazars, député de la circonscription, ancien adjoint et putatif adversaire du maire aux municipales l’an prochain…
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Tout le département n’est pas logé à la même enseigne : 80 % des communes de l’Aveyron ont vu leur DGF croître en 2024. Ce cas pratique se décline à volonté, à différentes échelles, dans les communes de France : « Les dotations, fixées par un système de péréquation daté, ne diminuent pas pour tout le monde » confirme Jean-Marie Virely, maire d’Époisses, 750 habitants. Dans son village pénalisé, « le projet de revitalisation du bourg, qui aurait pu se faire en deux ans, s’étalera sans doute sur quatre… Et la Maison des citoyens est reportée aux calendes grecques », déplore le maire élu en 2020.
Les absents ont-ils toujours tort ? Mardi dernier, l’Association des maires de France (AMF) sèche le « comité d’alerte » sur la situation budgétaire de la France convoqué par François Bayrou, les édiles refusant d’être « les figurants d’une énième séquence de communication ». Les maires craignent surtout de passer à la caisse : « On veut nous tondre, et nous n’avons pas une âme de mouton », tonne le vice-président André Laignel, maire d’Issoudun. « Après 2,2 milliards d’économies demandées aux collectivités cette année, on évoquait des montants faramineux… Trop, c’est trop ! », fulmine un élu.
« Nous n’avons pas une âme de mouton »
Le lendemain, la gestion « chaotique » de l’ensemble des finances publiques est éreintée par la Cour des comptes dans son rapport sur l’exécution du budget 2024. Elle formule notamment des recommandations pour améliorer la traçabilité des transferts entre l’État et les collectivités. Accusées d’être trop dépensières, ces dernières sont dans le viseur de l’institution de la rue Cambon depuis longtemps : dans un rapport sur la « dérive inédite » des finances publiques, en février, la Cour pointait « un véritable emballement ». Les dépenses des collectivités ont augmenté de 3,6 % entre 2023 et 2024, notaient les magistrats, évaluant leur coût à 0,6 point de PIB pour 2024 (contre 0,4 en 2023). Il s’explique notamment par les coûts de l’énergie et l’augmentation de la masse salariale après les revalorisations de juillet 2023, décidées par… l’État. C’est lui que désigne l’AMF, qui accuse plutôt « un centralisme qui conduit l’État à s’occuper de tout et être de moins en moins efficace sur ses missions fondamentales, et un excès de normes et de bureaucratie qui complique et renchérit toute action publique comme privée. »
Nouvel épisode d’un dialogue de sourds sur fond de baisse des dotations, amorcée à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy, amplifiée par François Hollande et gelée sous Emmanuel Macron. Mettre les collectivités de manière indifférenciée au banc des accusés est « un scandale, pour Jean-Marie Virely. C’est très malhonnête ! » Les économies, suggère le maire d’Époisses, sont plutôt à chercher dans l’enchevêtrement des compétences, dont les communes ont été largement dépossédées : « Les autres strates ont beaucoup recruté… Ça ne durera pas éternellement ! » C’est le seul consensus apparent entre ceux qui s’accusent mutuellement de crier au loup : on n’échappera pas à une refonte du millefeuille territorial. En attendant, le gouvernement assure que l’effort demandé devrait être équitable entre l’État, la Sécurité sociale et les collectivités, et envisage « une visibilité pluriannuelle sur les recettes ». Une évidence et une urgence, soufflent les maires. Avant la prochaine réunion du « comité d’alerte », une « conférence des territoires » est annoncée pour le 6 mai. Avec l’AMF ?
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