
Il allait prendre sa voiture en urgence, comme s’il avait senti le danger. Et pour cause, Martial Bounour, abattu la semaine dernière à Venzolasca, en Haute-Corse, avait déjà réchappé à trois tentatives d’assassinat. Celle-ci fut la bonne. Tué à bout portant sur le parking de sa résidence, le narcotrafiquant marseillais de 44 ans était largement connu de la justice. À son domicile, la police a retrouvé le parfait attirail du criminel : 65 000 euros en liquide, un masque de silicone reproduisant un visage – « très réaliste », selon les enquêteurs –, une perruque, plusieurs armes à feu et, indice de sa paranoïa, trois détecteurs de téléphones portables extérieurs.
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Éminent membre du « Clan des gitans », un narco-gang marseillais, Martial Bounour avait trouvé refuge en Corse. Sans succès. Mais Bounour n’est pas un cas isolé, et l’île de Beauté subit à son tour les méthodes violentes qui caractérisent le milieu marseillais et font couler le sang. Depuis le début de l’année, la Corse a été le théâtre de six règlements de compte sur fond de trafic de stupéfiants. En cause, la conquête d’un marché en plein essor, dans une Corse gangrenée par la consommation de drogue.
Le grand banditisme corse sait aussi s’acoquiner avec les narcotrafiquants marseillais
Fin mars, une opération de police a permis l’interpellation de 14 individus, tous impliqués dans un vaste trafic de cocaïne et de cannabis entre Marseille et la Corse. Selon un rapport de police consulté par le JDD, les interpellés font partie d’un « réseau structuré, dirigé depuis Marseille par des caïds de la communauté maghrébine ». Des offensives violentes, qui ne font pourtant pas réagir le milieu du grand banditisme corse, pourtant assez peu réputé pour sa tendresse. « Personne n’a envie d’un carnage ! Les Arabes, ils rafalent pour rien », témoigne Marco, un militant nationaliste qui gravite dans le milieu du banditisme insulaire. Pour lui, le paradigme a changé : « Les Maghrébins, qui dominent le stup’ à Marseille, ont un avantage en Corse : la démographie. Ils sont de plus en plus nombreux et ne craignent pas la violence. » Mais le grand banditisme corse sait aussi s’acoquiner avec les narcotrafiquants marseillais. Martial Bounour, par exemple, était un proche du « Clan Federici », gang criminel particulièrement influent en Corse.
Dans le sud de l’île, l’ombre de la puissante DZ Mafia marseillaise plane sur Propriano. Une synthèse de la Police nationale mentionne Yassine Akhazzane, un multirécidiviste marié à une membre de la communauté des gens du voyage, devenu une sorte d’entremetteur entre la mafia marseillaise et le milieu corse. Selon nos informations, Akhazzane, condamné en avril 2024 à sept ans de prison pour son rôle dans un vaste trafic de drogue, serait également impliqué dans des affaires d’extorsions de boîtes de nuit dans la région de Propriano. Une activité criminelle de plus en plus plébiscitée par la DZ Mafia.
Rien n’est dû au hasard dans cette conquête. « Il y a vingt ans, les fumeurs de joints et les sniffeurs de coke étaient vus comme des marginaux chez nous. Aujourd’hui, c’est devenu tendance », soupire Marco. En Corse aussi, les consommateurs sont de plus en plus nombreux et ce marché émergent n’a pas échappé aux entrepreneurs de mort. Le grand banditisme insulaire « traditionnel », spécialisé dans les jeux d’argent ou la corruption de marchés publics, semble progressivement remplacé par l’ultra-rentabilité du cannabis et de la cocaïne.
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