Je ne veux plus aller à la foire du Trône. Même les propos du préfet de police de Paris n’arrivent pas à me rassurer. Laurent Nunez a annoncé ce Vendredi saint un week-end de Pâques « dans les plus grandes conditions de sécurité ». Ces bagarres, ces jeunes en bande qui agressent avec fierté effraient. Il n’est plus question d’y aller en famille ; la fête s’est transformée en défaite. Des moments de bonheur assombris par des incivilités. Chaque manège me rappelle des souvenirs de jeunesse où la joie des retrouvailles familiales avec des cousins, des amis, me remplissait le cœur. Mais aujourd’hui, une question : pourquoi me vole-t-on ces instants que j’aurais pu, à mon tour, passer en famille, avec ma fille sur place ? Nostalgie d’instants volés.
Le Nouvel An, jour de célébration d’une nouvelle année en général que l’on souhaite pleine de promesses, est devenu la nuit où les forces de l’ordre sont déployées, la nuit où l’on ne compte plus les voitures incendiées ont incendiées. On évite d’en parler. D’après le ministère de l’Intérieur, 571 véhicules ont été incendiés l’an dernier.
Les feux d’artifice riment avec destructions, tirs de mortier. Ces mêmes feux d’artifice qui me faisaient tant rêver enfant mais sont utilisés aujourd’hui pour attaquer les forces de l’ordre. La Fête de la musique ? Célébrée pour rassembler des musiciens et des mélomanes, elle est devenue le théâtre de dérapages, de nuisances sonores, de débordements, de violences, de rixes et même de viols. Une fête qui ne rime plus avec plaisir, sinon un plaisir entaché de prises de risque.
Le carnaval de Nice ? Un dispositif important de sécurité est mis en place aujourd’hui, et cette année, plusieurs dizaines d’armes blanches ont été saisies. Pourquoi certaines personnes viennent au carnaval avec des couteaux, des Opinel ou des cutters ? Venir faire la fête avec un couteau. Entrer dans un bal avec un couteau…
Pourquoi certaines personnes viennent au carnaval avec des couteaux, des Opinel ou des cutters ?
La tour Eiffel ? Ce haut lieu touristique, chargé d’histoire et symbole de notre France rayonnante dans le monde, est devenu un site où l’on enregistre des viols, des vols, des arnaques en tous genres. C’est l’insécurité qui règne au pied de la tour Eiffel. Derrière les scintillements, les débordements. Le Champ-de-Mars est devenu un lieu d’insécurité endémique.
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Pourquoi certaines zones de la capitale, autrefois si vivantes, deviennent-elles des terrains d’angoisse plutôt que d’amusement ? Ces évolutions reflètent une réalité sociale complexe, que beaucoup ne veulent pas voir.
Bonheur confisqué
La foire du Trône veut, dans l’absolu, incarner une forme de culture populaire et cherche à rassembler différentes classes sociales dans un esprit de convivialité. Ce lieu festif a toujours su, à travers les siècles, se transformer, s’adapter, se réinventer, mais semble aujourd’hui kidnappé et emprisonné, sous la mainmise de la violence. Ce lieu, censé avoir un rôle social, ne reflète-t-il pas finalement parfaitement l’évolution de la société ? La fête est ciblée, la liberté est ciblée, le plaisir, le bonheur et la joie sont pris en otage. Un bonheur confisqué.
Sur place, des jeunes se filment en train de dévaliser les vitrines des forains. Le plaisir de détruire et de voler s’impose comme une réalité troublante. Voler l’objet du travail des autres, l’expression même d’une déliquescence sociale. Qui protège ces forains, ces travailleurs qui, jour après jour, s’investissent pour apporter un peu de magie dans la vie des gens ? Destructions par ceux qui n’ont peut-être ni le sens du travail, ni la notion d’effort pour satisfaire leurs besoins quotidiens.
Au Forum des Halles, on sait que tout peut arriver à tout instant
Peut-on encore redonner un sens à ces instants partagés, en favorisant un environnement où chacun peut jouir de sa liberté sans crainte ? Se sentir libre et heureux. Je retrouve ce même sentiment parisien disparu, par exemple, au Forum des Halles. On sait que tout peut arriver à tout instant. Être toujours sur ses gardes, comme s’il y avait un risque à venir sur place. Je n’y vais plus. Le métro parisien, là aussi, est une prise de risque.
Réaffirmer nos valeurs fondamentales
Cette transformation ne se limite pas à un simple constat ; elle soulève des questions sociétales et philosophiques profondes concernant notre liberté, notre sécurité et notre rapport à la fête. Comme si une nouvelle norme s’installait. Sortir en fin de soirée, s’habiller en jupe, aller en boîte de nuit ou au bal du village, prendre les transports en commun, ces actes élémentaires de la vie quotidienne prennent une saveur d’interdit. La peur s’insinue dans nos comportements ; elle modifie notre façon de vivre. Nous, les femmes, hésitons à porter des vêtements qui peuvent être considérés comme provocants, par crainte de jugement ou d’agression. Jusqu’où ira cette modification vestimentaire ? Ce renoncement à vivre librement témoigne d’une société qui s’enferme, se cloisonne, où la fête devient un luxe inaccessible pour ceux qui veulent simplement profiter de la vie, de leur vie.
Le 7-Octobre était un jour de fête. Le Bataclan était un lieu de fête
Le massacre du 7-Octobre était sur les lieux du festival de musique de Réïm. Le 7-Octobre était un jour de fête. Le Bataclan était un lieu de fête. La défaite jusqu’à la suppression de la vie.
Qu’est-ce que la liberté dans un contexte sociétal de bonheur confisqué, un contexte aussi aliénant ? Est-il normal de vivre dans un monde où nos droits au bonheur sont restreints par la violence ? Une société qui ne peut plus faire la fête est une société détruite, disloquée, qui doit réaffirmer ses valeurs fondamentales de convivialité, de respect et de sécurité. Il est essentiel de combattre la peur et d’affronter cette réalité pour reconquérir nos libertés et maintenir celles qui résistent encore.
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