Il nous avait marqués, il y a quelques mois à peine, dans La Nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, mis en scène par Didier Brengarth. Dans ce huis clos saisissant, Julien Personnaz incarnait avec beaucoup de justesse, sur un fil, entre légèreté et gravité, le petit dernier d’une fratrie déchirée par un secret longtemps enfoui. Sa prestation a même été saluée par l’auteur lui-même, le Québécois Michel Marc Bouchard, comme « le meilleur Elliot qu’il ait vu ». Une sacrée reconnaissance pour le premier grand rôle sur les planches du comédien. Après avoir ouvert la saison théâtrale avec cette pièce, il la termine avec un nouveau projet, Amis pour la vie, à l’affiche du théâtre de l’Œuvre dès jeudi.
La comédie écrite et mise en scène par Bertrand Marcos convoque deux couples proches, Claire et Richard, Christophe et Mathilde, pour un dîner entre vieux potes. À l’apéritif, les retrouvailles sont chaleureuses et les vannes fusent. Mais, au dessert, après le tiramisu, des révélations vont bouleverser les relations entre les quatre protagonistes. Cette pièce aux airs de boulevard sur l’amitié va se révéler bien plus complexe, tout en épinglant au passage les « bobos beaufs » de la trentaine victorieuse. Julien Personnaz tient le rôle de Christophe, un chirurgien un peu gauche profondément amoureux de sa femme.
Le comédien peut se reconnaître dans ce portrait d’une génération qui lit L’Équipe, râle contre Anne Hidalgo tout en buvant du whisky 18 ans d’âge. « J’assume ce côté-là. Pour rester dans les clichés, je suis très foot et j’aime parler sport avec beaucoup de testostérone, confie le trentenaire. Ce qui me plaît dans l’écriture de Bertrand Marcos, c’est qu’il ne juge pas. Tout le monde en prend pour son grade à un moment donné, mais chaque personnage reste extrêmement attendrissant. » À ses côtés sur scène, ses partenaires s’appellent Davy Sardou, Alysson Paradis et Marie-Ange Casta. Tous ont en commun d’avoir un patronyme célèbre.
Dans la famille Personnaz, Julien est le benjamin. On connaît déjà le cadet, Raphaël. « Je suis très proche de lui comme de mon frère aîné, Charles, qui travaille dans la fonction publique. Si je ne les vois pas au moins une fois dans la semaine, je suis perdu. La famille, c’est très important pour moi. » Julien a 3 ans quand Raphaël, qui en a dix de plus, prend ses premiers cours de théâtre. « C’est sûr qu’on partage la passion du jeu. Je me souviens d’une malle pleine de costumes. Je lui faisais réciter ses textes. Il y a toujours eu ce lien d’entraide entre nous. » Mais le déclic vient pour Julien à la sortie de OSS 117, Le Caire nid d’espions en 2006. « J’ai été impressionné par la liberté de jeu de Jean Dujardin : il n’a pas peur d’en faire trop, sans que cela fasse cabot. Et c’est à partir de ce moment-là que j’ai voulu en faire mon métier. »
« Avec mon frère Raphaël, il y a toujours un lien d’entraide »
Francis Lombrail, directeur du théâtre Hébertot, est le premier à lui donner sa chance. Un matin, il vient voir celui qui travaille au bar du foyer pour lui demander s’il est acteur : il cherche quelqu’un pour la lecture, le lendemain, d’une pièce avec Miou-Miou. Julien Personnaz décroche le rôle. Ses débuts au cinéma sont encore plus rocambolesques : il a 22 ans quand il est engagé dans Lucy, la superproduction de Luc Besson avec Scarlett Johansson et Morgan Freeman. Pour décrocher le boulot, il a menti en disant qu’il avait son permis. « Dans une scène, je devais démarrer en trombe et stopper sur une marque, se souvient le comédien. On a dû faire la prise au moins une dizaine de fois parce que je ne m’arrêtais jamais au bon endroit. À un moment donné, Luc Besson me dit : ‘‘Ce n’est pas grave, recule !’’ Je n’ai même pas réussi à faire marche arrière… » Embauché pour dix jours de tournage, il apparaît au final une trentaine de secondes à l’écran. Si Luc Besson ne l’a jamais rappelé, il a fini par décrocher le permis, au bout de la quatrième fois.
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Une licence utile pour se balader sur son île grecque, où il a passé toutes ses vacances, où il s’échappe encore dès qu’il peut et où vit désormais la moitié de l’année sa mère, traductrice du poète Yánnis Ritsos. Parfaitement bilingue en grec, qu’il a appris en lisant l’intégrale des BD d’Astérix et Obélix, il rêve aussi de tourner un film là-bas, sans lâcher pour autant le théâtre hexagonal. Avec Amis pour la vie, Julien Personnaz est dans son élément. « J’aime bien les groupes de copains. C’est très théâtral, finalement. » Dans une bande, il est le plus dissipé, le premier à faire le pitre, reconnu pour ses imitations d’Alain Delon ou d’Orelsan. « Je suis surtout celui qui réalise les meilleurs pires du genre : j’annonce avant qui je vais mimer, donc les gens reconnaissent forcément de qui il s’agit ! » Lui reste inimitable
« Amis pour la vie », au théâtre de l’Œuvre (Paris 9e). 1 h 20. À partir de jeudi et jusqu’au 29 juin. theatredeloeuvre.com
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