Marine Tondelier a été l’une des premières personnalités politiques à réagir à la mort du pape François. « Il avait mieux compris l’écologie et la génération climat que beaucoup de politiques. C’est à cela que j’ai pensé en apprenant sa disparition », a-t-elle rendu hommage sur son compte X ce lundi 21 avril. « Ce pape a mené une bataille culturelle courageuse sur plusieurs sujets environnementaux et de solidarité. Puisse ce grand mouvement s’intensifier et s’étendre aux sujets sociétaux. C’est aussi cela, la responsabilité de l’Église », a plaidé la conseillère municipale d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais).
Des propos à la saveur particulière, quand on sait que Marine Tondelier est une catholique pratiquante. Le Nouvel Obs a récemment révélé qu’elle a participé au dîner des Bâtisseurs en novembre dernier. Un rendez-vous apolitique destiné à inciter les leaders catholiques à s’engager davantage et à rendre cet engagement visible. « L’information sur les profondes convictions religieuses de Madame Tondelier passe inaperçue et pourtant elle explique bien des choses », a affirmé l’ancien député socialiste Julien Dray, laissant sous-entendre qu’elle éclaircirait notamment ses prises de position sur le port du voile. Un argument balayé par la principale concernée.
Peu importe, pour Marine Tondelier : la religion relève de sa vie privée. En public, elle vient de se faire réélire à la tête des Écologistes avec 73 % des voix, devant l’ancienne députée européenne Karima Delli. La patronne des Verts dépasse ainsi l’ancien record de Cécile Duflot – 71 % en 2008. Une victoire nette et sans bavure, qui cache néanmoins de nombreuses critiques en interne. Ses opposants lui reprochent d’avoir « verrouillé » le parti. En cause : une refonte des statuts l’an passé, visant à en finir avec l’influence trop grande des motions, mais qui a complexifié les règles d’élection pour les postes clés. « La réforme n’est pas totalement aboutie, notamment dans le processus de confection des motions d’orientation, mais elle a été approuvée par une énorme majorité du conseil fédéral », s’agace auprès du JDD le sénateur écologiste Guy Benarroche.
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Certains n’hésitent pas à entrer en confrontation directe avec Marine Tondelier. À l’image du maire de Grenoble Éric Piolle, candidat au poste de porte-parole des Écologistes. Il affrontera Guillaume Hédouin, soutenu par la patronne du parti, lors d’un vote ce week-end lors de la « Grande convention d’investiture » à Pantin (Seine-Saint-Denis). Entre Marine Tondelier et Éric Piolle, le ton est monté d’un cran ces derniers jours. Ce dernier l’accuse de tout faire pour l’écarter et conteste l’argumentaire selon lequel il est visé par une enquête préliminaire pour des versements illicites. Des proches du maire de Grenoble rappellent que sa garde à vue pour « favoritisme » en juin 2021 n’avait pas empêché Marine Tondelier de diriger sa campagne lors des primaires écologistes pour la présidentielle.
« Les confrontations en interne sont normales dans un parti »
Autre personnalité de taille qui n’a pas mâché ses mots à l’encontre de la conseillère régionale des Hauts-de-France : Sandrine Rousseau. « Ok, Marine a sa hype, elle s’en sort bien. Mais quelle est notre ligne politique et comment on la défend ? Nous sommes en train de devenir comme le parti Renaissance : centré autour d’une seule personne, mais sans projet », a tancé la députée de Paris auprès du Figaro. « Ça fait longtemps que je ne commente plus les provocations de Sandrine Rousseau sur les plateaux », lui a rétorqué Marine Tondelier ce mardi 22 avril sur TF1. Ambiance. « Les confrontations en interne sont normales dans un parti. Au Sénat, les 16 Écologistes ne sont pas toujours d’accord entre eux. La différence est qu’on en débat entre nous et pas dans la presse », tempère Guy Benarroche.
Sandrine Rousseau tape toutefois juste : quel est désormais le projet de Marine Tondelier à la tête des Verts ? Jusqu’ici, et notamment depuis les élections législatives post-dissolution, elle était apparue comme le « trait d’union » entre le Parti socialiste et La France insoumise. Ses quelques larmes versées dans le studio de France Inter lorsqu’elle dénonçait l’absence de consigne claire de Bruno Le Maire en faveur du barrage républicain lui ont permis d’exploser médiatiquement, faisant presque oublier le mauvais score (5,5 %) de son parti aux européennes. « Elle a très bien utilisé la fonction de “go-between” pour se mettre au centre du jeu avec la bénédiction de Mélenchon, tout en partant du résultat médiocre de Marie Toussaint quelques jours plus tôt », analyse auprès du JDD un cadre du Parti socialiste.
Le grand écart permanent des Écologistes finit par faire mal aux adducteurs
Un cadre du Parti socialiste
Mais cet objectif affiché d’union de la gauche comme raison d’être est-il encore pertinent pour les Verts, alors que le Parti socialiste semble avoir acté la théorie des « gauches irréconciliables » vis-à-vis de La France insoumise ? « Je veux bien que le PS m’explique comment il peut gagner sans LFI et que Mélenchon m’explique également comment il compte gagner sans les socialistes », lance le sénateur Guy Benarroche, qui assure que le rôle des écologistes est aussi de « réaffirmer dans le débat public la nécessité d’une écologie politique au moment où elle est attaquée de toute part ».
Certains croient deviner dans la stratégie du « trait d’union » de Marine Tondelier ses ambitions présidentielles. « Elle se dit : “Si je suis le dénominateur commun du Parti socialiste à La France insoumise, c’est que je suis la bonne candidate pour 2027” », assure un haut placé du PS. « Mais elle se met le doigt dans l’œil par rapport à Mélenchon. Il pense que l’union de la gauche doit forcément lui servir. Le grand écart permanent des écologistes finit par faire mal aux adducteurs. Un moment, il faut choisir entre Mélenchon et la gauche de responsabilité », poursuit-il.
Le premier juge de paix pour Marine Tondelier arrive en mars prochain lors des élections municipales. Là encore, la question des alliances politiques sera majeure. Les Écologistes doivent-ils signer un accord national avec le Parti socialiste avec qui ils dirigent plusieurs villes ? Ou, à l’inverse, faire au cas par cas, s’alliant tantôt avec le PS, tantôt avec La France insoumise. Si le mouvement espère compter sur le soutien des socialistes dans des villes entre leurs mains comme Lyon et Bordeaux, les Verts hésitent à faire front commun avec les Insoumis dans des bastions socialistes tels que Rennes, Nantes ou Montpellier.
« En 2026, les Écologistes ne pourront pas faire des alliances avec LFI quand ça leur chante, puis d’autres avec le PS quand ça leur convient mieux. On ne fait pas son marché en fonction de ses intérêts », prévient un cadre socialiste au JDD. D’autant que l’année prochaine, les Verts auront beaucoup à perdre après les nombreuses villes gagnées en 2020 : Strasbourg, Bordeaux, Lyon, Poitiers, Tours… « Je suis persuadé qu’on peut en gagner d’autres si on parvient à s’entendre avec les autres partis de gauche et avec les citoyens engagés localement qui partagent nos idées », affirme de son côté le sénateur des Bouches-du-Rhône Guy Benarroche. « Dans mon département, l’objectif est par exemple de gagner 3 ou 4 mairies supplémentaires », argue-t-il.
Le premier discours public depuis la réélection de Marine Tondelier comme secrétaire nationale des Écologistes est attendu pour ce samedi 26 avril. Pas sûr qu’une stratégie définitive soit détaillée, ni qu’elle fasse baisser le volume des voix discordantes au sein du parti.
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