Coup de tonnerre dans le Nord. ArcelorMittal a annoncé ce mercredi 23 avril un projet de restructuration qui devrait entraîner la suppression de 600 emplois dans la région. « Dans le contexte de crise qui frappe l’industrie de l’acier en Europe, l’entreprise doit envisager des mesures de réorganisation pour adapter son activité au nouveau contexte de marché et assurer sa compétitivité future », explique le deuxième groupe sidérurgique mondial. En colère, les employés se sentent lésés et abandonnés. D’autant que l’entreprise a aussi annoncé la délocalisation de certaines activités. Plusieurs centaines de postes seront ainsi transférés en Inde.
Mi-avril, c’est dans l’Isère que la colère a grondé. La reprise partielle de l’usine chimique Vencorex, près de Grenoble, a été attribuée au groupe chinois Wangua. Sur les 450 emplois, seuls 54 seront conservés. Ce qui est vrai pour la chimie l’est aussi pour l’automobile. Michelin, Valeo, la Fonderie de Bretagne… Des dizaines de plans sociaux ont été annoncées ces derniers mois dans le secteur. La Fédération des industries des équipements pour véhicules estime que 45 000 postes sont menacés dans les trois ans. Tous secteurs confondus, 354 plans sociaux sont en cours et 220 000 emplois menacés.
« La politique de réindustrialisation d’Emmanuel Macron est un leurre »
Au premier trimestre de 2025, 25 sites industriels ont ouvert, mais 42 ont fermé. L’année dernière, près de 70 avaient ouvert et près de 75 avaient fermé. Autant dire que le projet de réindustrialisation d’Emmanuel Macron a du plomb dans l’aile. Le chef de l’État n’a pourtant pas manqué d’initiative sur le sujet. En pleine pandémie, il dévoile un plan de relance de 100 milliards : santé, industrie, transition énergétique… À peine le spectre de la pandémie éloigné, le président annonce un programme d’investissement de 30 milliards d’euros baptisé « France 2030 ». Près de 25 milliards viennent s’y ajouter pour développer la compétitivité industrielle et les technologies d’avenir. Tout juste élu, Emmanuel Macron s’était tourné vers les investisseurs étrangers avec le sommet « Choose France » à Versailles.
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« La politique de réindustrialisation d’Emmanuel Macron est un leurre », a asséné le député RN Jean-Philippe Tanguy sur Europe 1 le 18 avril dernier. « Si elle avait fonctionné, les comptes de l’État ne seraient pas dans le rouge car l’industrie produit de la valeur ajoutée, de l’innovation et de bons salaires », a-t-il assuré. « Plus de 300 usines ont été ouvertes et près de 3 millions d’emplois ont été créés depuis 2017 », félicite de son côté, auprès du JDD, le député Renaissance Charles Rodwell. « On a réussi à baisser les impôts de production et le coût du travail. Il faut désormais continuer pour renforcer notre compétitivité », poursuit le président de la commission d’enquête sur les freins à la réindustrialisation en France.
Les entraves au retour de l’industrie sur le territoire restent pour autant majeures. La France doit se comporter comme un pays de producteurs si elle veut le redevenir. « Or, aujourd’hui, nous avons la fiscalité d’un pays de consommateurs : sur l’ensemble de nos prélèvements obligatoires, la part que représentent les impôts de production est l’une des plus élevées d’Europe (4 % du PIB) et la part des impôts sur la consommation est l’une des plus faibles », explique au JDD le président du Cabinet Quintet Antoine Foucher. Ainsi, la France est tombée de 15 % du PIB lié à l’industrie en 2000 à 9 % aujourd’hui, alors qu’elle représente en moyenne 15 % dans la zone euro et 18 % en Allemagne.
Une fois la fiscalité remise à plat, où faire revenir les usines ? « Cette priorité va se heurter à un autre objectif, celui de limiter l’artificialisation des sols avec la loi ZAN d’ici à 2050 », souligne au JDD l’économiste Philippe Herlin. Les sénateurs ont toutefois voté un assouplissement des règles mi-mars pour exempter les bâtiments industriels du décompte jusqu’en 2036. Les oppositions locales aux projets font aussi partie des freins à la réindustrialisation. Le PDG de Safran Olivier Andriès a mis la lumière sur cette pratique en affirmant ne plus vouloir investir dans les villes dirigées par des Écologistes. En cause : l’accueil hostile reçu par son groupe lors de l’ouverture d’une fonderie à Rennes. « Si c’est pour être accueilli par des tomates quand on crée 500 emplois dans une région, ce n’est pas la peine », a-t-il pesté à l’Assemblée nationale.
Les prix de l’énergie mettent également des bâtons dans les roues au retour de l’industrie. Les États-Unis tournent en moyenne à 45 ou 50 euros du mégawattheure, contre 60 à 70 euros dans l’Hexagone. Particularité française : les 5 régions les plus affectées par les hausses des prix de l’énergie (Hauts-de-France, Grand-Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Normandie) représentent à elles seules près de 50 % de l’emploi industriel.
Autre sujet majeur : la pénurie de main-d’œuvre. Malgré la conjoncture économique dégradée, le secteur industriel continue de recruter massivement : 1,3 million d’offres d’emploi ont été publiées sur les neuf premiers mois de 2023. Déjà en 2022, 67 % des chefs d’entreprise dans l’industrie manufacturière déclaraient avoir des difficultés à recruter. Cela dépasse même les 70 % dans l’agroalimentaire et les équipements électriques. Emmanuel Macron mise sur les formations dont il veut faire le bras armé de sa feuille de route de la réindustrialisation. Il a ainsi promis 15 000 places de formation en mai 2023. Les prochaines années nous diront si cela est suffisant. Le chemin vers la réindustrialisation s’annonce encore long et semé d’embûches.
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