
Un coin de France à Rome, entre la place Navone et le Panthéon. Saint-Louis-des-Français est célèbre pour ses trois chefs-d’œuvre du Caravage consacrés à saint Matthieu. Le pape François y avait décrit en 2013 sa sensibilité particulière à l’un des tableaux, la Vocation de saint Matthieu : « Ce doigt de Jésus… vers Matthieu. C’est comme cela que je suis, moi. C’est ainsi que je me sens, comme Matthieu ». Malgré sa relation contrariée avec la France, le pape était pétri de culture et de spiritualité française. « François, je sais que tu avais cet amour pour la France. » : c’est ce que rappelle le cardinal Aveline, ce jeudi soir, en rendant hommage au défunt pontife, mais aussi à un ami. « Je garde de beaux souvenirs de sa venue à Marseille, lors de laquelle il a même logé chez moi » confie-t-il au JDD. Plus d’une trentaine de prêtres sont présents, ce jeudi soir, à cette messe célébrée en action de grâce pour le Pape. « Depuis lundi matin, nous sommes tous un peu orphelins », lance le prélat.
Publicité
Quatre cardinaux et des pélerins
Dans le chœur de l’église, quatre potentiels papes se démarquent, doivent songer les fidèles en comptant les calottes rouges sous les mitres : le cardinal Aveline, archevêque de Marseille et nouveau président de la Conférence des évêques de France, préside la messe, accompagné du cardinal Bustillo du diocèse d’Ajaccio, du cardinal Christophe Pierre, nonce apostolique à Washington, et du cardinal luxembourgeois Jean-Claude Hollerich.
La suite après cette publicité
Au milieu de ces quatre prochains électeurs du conclave, de simples fidèles ont répondu présent. Des étudiants en Erasmus à Rome participent à l’organisation de cet évènement, tandis que les pèlerins rejoignent au pied levé cette messe organisée pour la communauté française. Beaucoup sont venus en groupe, ou en communauté religieuse. « Notre programme a été chamboulé par la mort du Pape, c’est certain » confie Vincent et Jeanne, originaires de Lille, en pèlerinage à Rome pour l’année jubilaire. D’autres arrivent « du bout du monde », selon l’expression consacrée par François. Des jeunes venus de Nouméa soufflent : « On aurait aimé qu’un jour un pape vienne jusqu’à nous. » À la fin de la messe, les Néo-Calédoniens auront le droit à une bénédiction du cardinal Bustillo, heureux de partager avec eux « une expérience insulaire ».
La suite après cette publicité
Lors de son homélie, Jean-Marc Aveline, qui a reçu le Pape au Stade Vélodrome à Marseille en septembre 2023, s’adresse directement au défunt : « Tu voulais redonner à la France un regard qui lui fasse du bien, parce qu’il la décentrait d’elle-même, un regard qui la rende apte à accomplir sa mission dans le concert des nations. » Avant d’ajouter que « beaucoup de Français trop centrés sur eux-mêmes n’ont pas compris de quel amour paternel tu les aimais. » Comme un écho aux 17 000 nouveaux baptisés de Pâques, l’archevêque de Marseille ajoute : « Je sais aussi que la jeunesse de France est en train de faire refleurir la vieille souche spirituelle de notre pays, qu’elle a secrètement entendu le désir ardent de ton cœur. »
Un pape français ?
Joyeuse par ses chants et l’agitation de nombreux enfants, la messe a pourtant un ton grave. Les drames du monde ne sont pas oubliés : on prie pour l’Arménie, pour les attentats au Cachemire. La présence de diplomates et de journalistes signale aussi qu’il ne s’agit pas d’une soirée ordinaire dans la Ville éternelle. À la fin de la célébration, le cardinal Aveline exhorte les fidèles à redoubler de prières : « Priez pour que nous sachions prendre notre place dans la longue tradition de l’Église, que l’Esprit nous aide à être dociles, courageux, fidèles et disponibles. » Et d’ajouter : « La tâche qui nous incombe nous dépasse et cependant nous requiert. » Sentiment partagé par le cardinal Bustillo, à l’approche de son premier conclave qu’il qualifie d’ « aventure dans la foi » : « Nous devons faire un choix important pour le bien de l’Église. Non pas pour les 135 cardinaux dans la chapelle Sixtine, mais pour les millions de catholiques qui sont dehors. » Un message qu’il répétera sûrement ce vendredi soir, à la Trinité-des-Monts, autre église française à Rome, confiée à la communauté de l’Emmanuel. Une veillée de prière s’y tiendra à partir de 20h30, « pour le repos de l’âme du pape François », et sera retransmise sur la chaîne KTO.
La suite après cette publicité
La suite après cette publicité
Des fidèles osent les paris : le cardinal Aveline, souvent cité comme papabile, pourrait-il s’asseoir sur le trône de Pierre ? « Même s’il est élu, il refusera cette charge » lâche une paroissienne, péremptoire. Avant les paris, l’heure est au deuil et à la prière : la dépouille de François est encore exposée dans la basilique Saint-Pierre et attire à elle des dizaines de milliers de fidèles et de curieux. Plus de 128 000 visiteurs s’y sont pressés depuis mercredi : pas tous bien recueillis, certains se contentant d’un selfie… « Le souvenir de François est encore vivant et nous réunit », recentre le cardinal Aveline tandis que le cardinal Bustillo rappelle que pour l’instant, « on accompagne encore un pape ». Tout en gardant à l’esprit le conclave qui s’avance : alors, « on passera de la mort à la vie. »
Source : Lire Plus






