
Dès lundi 28 avril et jusqu’au 4 mai, « tout détenteur d’armes ou de munitions » pourra s’en dessaisir « sans aucune conséquence administrative ou judiciaire », ont annoncé les préfectures de Corse. Pour justifier cette opération, les autorités ont pointé « une situation préoccupante », en raison d’un taux de détention d’armes qui atteint « plus du double de la moyenne nationale ». Si la Fédération départementale des chasseurs de Corse-du-Sud a immédiatement précisé qu’« un homme sur cinq » était détenteur d’un permis de chasser, les responsables politiques se sont faits discrets depuis cette annonce…
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Car la détention d’armes est populaire, parce que très largement culturelle, sur l’île. Mais les préfets insistent lourdement : depuis le début de l’année, sept homicides sont à déplorer, dont six dans le cadre de règlements de compte. « La préfecture fait mine de croire que l’armement des civils, en Corse, est responsable de cette criminalité ! réagit sans détour Maxime, un jeune Corse qui ne compte absolument pas rendre les siennes. Nous avons tous des armes, c’est vrai, c’est culturel chez nous. Mais nous ne sommes certainement pas tous des bandits ou des criminels ! » Une objection anticipée par le préfet de Corse Jérôme Filippini, fin février, alors qu’il présentait le bilan de la délinquance en Corse : « Je ne m’illusionne pas sur le fait que les bandits qui détiennent des armes ne vont pas venir à la gendarmerie pour les déposer, mais moins il y aura d’armes présentes en Corse, mieux nous nous porterons. »
« On se trompe de cible »
Une certitude que ne partage absolument pas Jean, jeune Corse, lui aussi détenteur d’une arme : « Le risque, c’est simplement de désarmer les braves gens qui n’ont absolument rien à se reprocher alors que cette violence est celle de voyous largement impliqués dans le trafic de drogue. » Un désarmement également vu d’un mauvais œil par l’un de ses amis : « Il y a cette violence de ce qu’on appelle la mafia en Corse, c’est indiscutable et dramatique, mais paradoxalement, il n’y a pas la délinquance ou la criminalité ordinaire que l’on subit sur le continent. Pourquoi ? Parce que tout le monde sait que n’importe quel corse lambda est armé, et que c’est extrêmement dissuasif. À l’inverse, la passivité ou le désarmement de la population est un encouragement à la délinquance. »
S’ils expliquent cette culture de la détention d’armes par les invasions et menaces qui ont ponctué leur histoire, beaucoup de Corses insistent : il ne s’agit pas d’une volonté d’agression ou de domination, mais de défense. « Il y a l’utilisation d’armes dans nos traditions festives, mais, pour le reste, les armes ne sortent pas de nos foyers, elles sont là pour éventuellement le défendre, insiste par exemple Lucia. Ce n’est pas parce que nous sommes armés que cela arrive. On se trompe de cible et ceux dont le “métier” consiste à voler, trafiquer et tuer ne se sentiront malheureusement pas concernés ! »
Mais alors, que faire contre cette violence qui défigure régulièrement l’île, tandis que les anciennes mafias ont largement muté en bandes criminelles qui n’hésitent pas non plus à faire couler le sang ? « Donner les moyens aux forces de l’ordre comme à la justice ! S’il faut faire des lois d’exception, n’hésitons pas. Nous savons tous qui sont ces criminels, mais c’est pareil qu’ailleurs : les procédures sont compliquées et, même en prison, ils continuent ! C’est par là qu’il faudrait commencer. » Rendez-vous le 4 mai prochain pour un bilan de cette opération dont on parle peu en Corse. Outre le mouvement U Palatinu, qui a exprimé son opposition, les autorités politiques corses ont choisi de rester discrètes sur le sujet. « C’est tellement à côté de la plaque », lâche anonymement l’une des figures de l’île.
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