« Arigato Gozaimasu ! » Valère Germain n’est arrivé au Japon que depuis quelques semaines mais il remercie déjà dans la langue locale, une fois son café servi dans une cafétéria jouxtant le magnifique stade de son nouveau club. À 35 ans, le champion de France 2017 aux côtés des Mbappé et autre Falcao s’offre une fin de carrière d’expatrié lointain que son passé ne laissait pas présager, lui qui n’avait jusque-là connu que la Méditerranée, de Monaco à Montpellier en passant par Nice et Marseille.
Après (quasi) deux saisons à Sydney, le voilà donc à Hiroshima, au sud-ouest de la principale île de l’archipel nippon, pour ce qui sera probablement le dernier défi de sa carrière au Sanfrecce (Trois Flèches), l’un des meilleurs clubs du pays. Souriant et épanoui malgré une petite blessure aux ischio-jambiers, l’attaquant aux plus de 300 matchs de Ligue 1 raconte ses choix, parfois guidés par les hasards de la vie, ses souvenirs de l’OM et d’ailleurs, et ses idées pour le futur une fois remisés les crampons.
Le JDD. Comment devenir un globe-trotter sur le tard après avoir déroulé toute sa carrière dans le sud-est de la France ?
Valère Germain. Mon but, au départ, était de durer en Ligue 1. Mais je me disais toujours qu’à la fin, j’aimerais tenter une expérience en MLS, le championnat des États-Unis. Ma grand-mère maternelle a vécu plus de quarante ans à Santa Barbara, en Californie. Je lui ai plusieurs fois rendu visite, j’ai vu le « soccer » progresser là-bas, ça me tentait. En février 2023, à Montpellier, j’ai reçu une proposition des Earthquakes de San José, en Californie. J’avais une semaine pour me décider. Mais on était en pleine saison, le mercato était terminé, et Montpellier luttait pour le maintien. Même si je ne jouais pas beaucoup, j’ai refusé. Parallèlement, j’étais en contact avec Fahid Ben Khalfallah [ancien joueur de Bordeaux et de Valenciennes, NDLR], qui prospecte le marché australien. Avec mon épouse, on a lu des bouquins, on a regardé plein de vidéos et, en juin 2023, on a dit banco. Je me suis engagé avec le Macarthur FC, un jeune club de Sydney. J’avais alors fait mon temps en Ligue 1 et, dans ces cas-là, on ne sait pas si le train repassera.
Pas d’États-Unis, donc…
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L’histoire n’est pas finie (sourire). J’arrive en Australie début juillet. Le temps des examens réglementaires, le club met dix jours à officialiser ma signature. Dans l’intervalle, mon agent m’appelle : « Los Angeles Galaxy veut te recruter. » Mais c’était trop tard, et de toute façon les premières impressions de Sydney étaient extraordinaires. La ville, l’océan, la nature… C’est canon ! On s’est régalés. Là-bas, tout le monde vit dehors, dans les parcs, sur les plages, en sécurité. Pour notre grand garçon, question ouverture d’esprit, ça a été génial. Notre deuxième enfant est lui né à Sydney. En Coupe d’Asie, j’ai joué des matchs en Birmanie, en Thaïlande, aux Philippines… Jamais je n’aurais cru vivre ça.
Dans un championnat de niveau moindre et un environnement aussi plaisant, est-ce facile de garderla même exigence ?
J’ai toujours fait attention à être sérieux. J’ai gardé ça tout en profitant un peu, quand même, d’un petit verre de vin australien de temps en temps… Disons que je n’étais plus aussi obnubilé, même si je faisais attention. J’avais envie d’être bon sur le terrain parce que ça impacte ta vie au quotidien. Je voulais aider ce club à progresser, j’ai marqué pas mal de buts [il en est le meilleur buteur avec 27 réalisations], j’ai été capitaine et on a gagné la Coupe d’Australie. Malgré quelques soucis avec les arbitres, l’expérience fut réussie.
Pourquoi débarquer au Japon en pleine saison ?
Encore une question d’opportunité. Que faire quand une belle proposition arrive ? Le championnat japonais est le meilleur de cette région du monde. On a pesé le pour et le contre. Macarthur FC avait encore des ambitions, et une partie de moi-même n’avait pas envie de laisser le club en plan. Mais il faut aussi penser à son aventure personnelle et à sa famille.
« C’est le meilleur championnat de cette région du monde »
Le coach allemand de Hiroshima, Michael Skibbe, un ancien du Borussia Dortmund, m’a dit qu’il me voulait tout de suite, pas cet été. Pour l’une des premières fois de ma carrière, j’ai été un peu égoïste. À cause d’une suspension sévère et absurde, il ne me restait que six matchs à jouer. J’ai averti mon président, il a été top. Même à contrecœur, il m’a dit : « Vas-y. » En Australie, je jouais devant cinq à dix mille spectateurs. Ici, c’est quatre à cinq fois plus. C’est magnifique.
Qu’est-ce qui vous surprend le plus à Hiroshima ?
La civilisation, le respect des règles. Je sais l’histoire sombre de la ville, j’ai vu le Mémorial de la paix, mais aujourd’hui il y fait très bon vivre. La première fois que je me suis baladé dans la rue, j’ai été frappé par le calme. Il y a beaucoup de monde [2,1 millions d’habitants] mais pas de cris, pas d’agressivité dans l’air. En fermant les yeux, tu te croirais presque seul dans la nature. Quant aux gens, je les trouve très souriants, toujours prêts à t’aider malgré la barrière de la langue. Même s’ils te reconnaissent, ils respectent ta vie privée. Dans le stade, l’ambiance est à la fois très festive et familiale. Et la nourriture est délicieuse.
Monaco est votre club formateur, mais votre passage à l’OM (2017-2021) reste l’étape la plus médiatisée de votre carrière.Quels souvenirs en gardez-vous ?
Le bilan est mitigé. Je suis content d’avoir porté ce maillot, comme l’avait fait mon père [Bruno, de 1988 à 1991 et 1994-1995], et ce dans ma ville natale. C’est selon moi le club le plus populaire du foot français. Si je ne l’avais pas fait, il aurait manqué quelque chose à ma carrière. La première saison a été bonne mais l’occasion que je rate d’entrer en finale de la Ligue Europa [contre l’Atlético de Madrid, défaite 3-0 en mai 2018] reste une tache. Ça m’emmerde encore un peu d’en reparler. Ensuite, pour diverses raisons, les choses se sont compliquées. Au final, je dirais que j’aurais pu faire mieux à l’OM, mais aussi que j’aurais pu être mieux utilisé.
Y a-t-il eu maldonne sur votre profil, avant tout celui d’un attaquant de soutien en 4-4-2 ?
Quand l’OM me contacte au printemps 2017, l’entraîneur RudiGarcia me dit qu’il veut m’associer en attaque à Bafé Gomis. Parfait. Le jour où je m’engage, je croise Bafé en montant les escaliers. On se serre la main et il me dit, en gros… qu’il ne va pas rester ! J’ai parfois dû endosser le rôle d’attaquant de pointe pour démarrer. À la fin du mercato arrive Kostas Mitroglou. On n’était pas forcément complémentaires. Les supporters ont pu penser que j’étais là comme buteur alors que ce n’est pas ma qualité première. J’ai fait du mieux possible.
Que ferez-vous après cette expérience au Japon ?
Si elle ne se prolonge pas en début d’année prochaine, j’arrêterai sans doute ma carrière et on rentrera habiter près de Monaco. La France nous manque. C’est un pays magnifique, exceptionnel, il ne faut pas l’oublier. À titre personnel, j’ai envie de devenir agent de joueurs. La passion du foot est là, celle d’avoir l’œil pour trouver le bon profil puis de l’accompagner avec bienveillance dans un milieu qui n’est pas simple.
Le futur agent a-t-il un joueurde Hiroshima à conseiller auxclubs français ?
Oui, un demi défensif qui s’appelle Satoshi Tanaka, gaucher de 22 ans, vraiment très fort. Mais j’en ai déjà parlé à mon agent (sourire). Il y a ici de vrais talents doublés de professionnels hyper sérieux qui ont selon moi largement le niveau de la Ligue 1. La France devrait davantage s’intéresser au championnat japonais, le niveau technique y est très élevé.
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