« La danse classique est presque une seconde nature pour moi », confie d’emblée Amy Sherman-Palladino dans l’une des suites feutrées de l’hôtel Bristol. Dans le célèbre palace parisien, à quelques mètres du palais de l’Élysée, la star américaine du petit écran et son mari Daniel Palladino nous parlent de leur nouveau « bébé » : Étoile. L’histoire de deux compagnies de renommée mondiale (l’une à New York, l’équivalent du New York City Ballet, et l’autre à Paris, sorte de clone du ballet de l’Opéra de Paris) qui décident d’échanger leurs meilleurs artistes dans l’espoir de sauver leurs institutions. Une production audacieuse qui s’attaque à un univers impitoyable : celui de la danse.
Une discipline que la réalisatrice a dans le corps depuis son enfance : « J’ai commencé le classique à l’âge de 4 ans. Adolescente, j’y ai ajouté le jazz et les claquettes. Jusqu’à 23 ans, je pensais même devenir danseuse, pas scénariste ! » C’est donc tout naturellement que la créatrice de Gilmore Girls (2000) et de La Fabuleuse Madame Maisel (2017) a choisi de s’emparer d’un sujet ancré dans une réalité qu’elle connaît bien.
Comme Étoile le met habilement en scène, le milieu du ballet, particulièrement de l’autre côté de l’Atlantique, traverse une période critique. « Les arts sont attaqués de toutes parts, surtout aux États-Unis, s’emporte Amy Sherman-Palladino. En France, les compagnies sont subventionnées par l’État, la danse est respectée et considérée comme un pilier culturel. Ce qui n’est pas le cas chez nous ! Tout est financé par le privé et les troupes sont sans cesse en train de chercher des fonds. » Les coulisses de ce monde à part sont donc ici subtilement explorées. Daniel Palladino, le cocréateur d’Étoile, lui-même ancien musicien, décrit un univers excessivement hermétique : « Les danseurs vivent quasiment en autarcie et ne sortent que pour rentrer chez eux après les cours et les spectacles. Tout est sous tension et peut basculer très vite dans un sens comme dans l’autre… »
« Lorsque j’écris, j’ai comme un métronome dans la tête »
Si la majorité des chorégraphies existaient déjà, certaines ont été imaginées spécialement pour la série. Aux côtés de son amie et fidèle collaboratrice Marguerite Derricks, chorégraphe avec laquelle elle travaille depuis la série Bunheads (2012), qui racontait l’histoire d’une ballerine, la réalisatrice s’est attaché les services de plusieurs écoles de ballet. « Il y avait souvent des danseurs en arrière-plan dans des scènes de comédie et tout cela devait être précisément chorégraphié, chirurgical même », souligne Daniel Palladino.
Mais au-delà de l’aspect technique, Étoile brille et se distingue aussi par ses dialogues et son ton, comme souvent lorsque le couple Palladino est à la baguette. Notamment grâce à un humour acerbe, parfois absurde, qui rappelle celui qui rythmait La Fabuleuse Madame Maisel. « C’est voulu, confirme Amy Sherman-Palladino. Lorsque j’écris, j’ai cette sorte de tempo, un peu comme un métronome dans ma tête, guidé par cet esprit si particulier que j’intègre entre les personnages. »
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Et pour leur donner chair, justement, le casting fait mouche. Avec en première ligne Charlotte Gainsbourg, irrésistible de drôlerie en directrice de ballet obsédée par son sens des affaires, et Lou de Laâge, étonnante en danseuse étoile engagée. « Quand j’ai su que Charlotte était intéressée par le rôle, j’ai sauté dans un avion ! Une fois devant elle, j’en ai fait des tonnes pour la convaincre, jusqu’à ce qu’elle me coupe pour me dire : “Écoute, je veux le faire. Tu peux arrêter de parler ?” » se souvient la scénariste américaine.
Séduit par la présence presque animale de la comédienne française, le couple a même écrit et adapté des scènes pour bonifier sa performance, au fil des épisodes. Quant à sa jeune partenaire française, qui a fait beaucoup de danse plus jeune, elle incarne brillamment une figure inspirée de Sylvie Guillem, star charismatique du ballet dans les années 1980 que l’on surnommait « Mademoiselle Non » pour son refus catégorique de se plier aux injonctions artistiques. Au final, les Palladino parviennent à intéresser à un art encore trop méconnu du grand public, avec la finesse et le sens du virtuose qui les caractérisent.
Étoile ★★, de Amy Sherman-Palladino et Daniel Palladino, avec Charlotte Gainsbourg, Lou de Laâge, Luke Kirby. Huit épisodes de 55 minutes. Disponible.
À Paris et New York, deux compagnies de danse historiques sont aux abois. Pour retrouver une âme et du souffle, les directions respectives tentent alors un pari audacieux : échanger leurs étoiles les plus talentueuses ! On suit aussitôt des tractations difficiles où le talent des unes bouscule les intérêts des autres… et inversement. Cette comédie (dramatique) mordante, parfois très drôle et profondément humaine, est portée par la grâce envoûtante des chorégraphies qui, au fil des épisodes, nous captivent le temps d’une plongée impertinente, mais bien vue, dans les coulisses du monde du ballet. Quelques longueurs, certes, néanmoins compensées par la truculence de Luke Kirby et les interprétations de Charlotte Gainsbourg et Lou de Laâge (dont l’accent anglais laisse dubitatif), aussi justes que lumineuses.
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