Une grande fumisterie ? Cyril Hanouna a mis fin au suspens concernant sa possible candidature à l’élection présidentielle. « On travaille ça depuis des mois, on a écrit des mails pour alimenter la rumeur et ça nous a fait marrer », a-t-il raillé à l’antenne de BFMTV ce mardi 29 avril. Smic à 2 200 euros, Guantánamo à la française, grands débats démocratiques… Une ébauche de programme a même été dévoilée par Valeurs actuelles. Mais surtout, une enquête réalisée par l’Ifop indique que 10 % des Français seraient prêts à mettre un bulletin Cyril Hanouna dans l’urne en 2027. De quoi prouver l’existence d’un phénomène médiatique… mais aussi politique.
Si l’ancien présentateur de « Touche pas à mon poste ! » assure ne pas vouloir franchir le pas, d’autres personnalités publiques pourraient toutefois émerger d’ici deux ans. Le potentiel électoral de plusieurs noms a ainsi été testé dans un sondage publié par l’Opinion mi-avril. On trouve par exemple le dirigeant d’entreprises Michel-Édouard Leclerc, donné à 20 %, soit le même niveau que François Hollande. Le champion olympique Tony Estanguet est lui estimé à 14 % et l’acteur Vincent Lindon à 13 %, devant Marine Tondelier ou Carole Delga. « Cela illustre la rupture de confiance entre une partie des citoyens et les politiques professionnels. Mais ça démontre aussi que l’offre politique ne correspond pas tout à fait aux attentes de la population », analyse auprès du JDD le politologue Luc Gras.
Les électeurs n’accordent pas beaucoup de crédit à leurs représentants, mais cette défiance n’ouvre pas forcément la porte à un prétendant issu de la société civile. Ce type de candidat est même une arlésienne depuis l’hypothèse Pierre Dac en 1965 et son Mouvement ondulatoire unifié. D’autres humoristes avaient ensuite voulu tenter l’aventure. Chantre de « tous ceux qui ne votent pas pour les hommes politiques », Coluche s’était lancé dans la bataille de 1981 face aux colosses François Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing, avant d’abandonner sous la pression et les menaces. Le comédien était tout de même monté jusqu’à 16 % d’intentions de vote à quelques mois de l’élection… Cindy Lee avait elle essayé de se présenter en 2002 puis en 2007 comme présidente du Parti du plaisir.
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L’un des seuls à s’être durablement inscrit dans la vie politique est Éric Zemmour. Après un début de campagne en fanfare fin 2021, estimé à 18 % des intentions de vote et placé au second tour face à Emmanuel Macron, l’actuel président de Reconquête avait terminé sa course en quatrième position avec 7 %. « Chaque candidature innovante démarre sur les chapeaux de roues grâce à un effet d’annonce qui correspond au ras-le-bol des citoyens », explique le politologue Luc Gras. « Mais une fois que la surprise se dissipe, le système politique se remet doucement en place et prend à nouveau le dessus », poursuit l’auteur de La démocratie en péril.
« Les personnalités hors système sont un signe des temps »
La prochaine élection présidentielle pourrait toutefois être différente. « Le fait qu’Emmanuel Macron ne puisse pas se représenter, que Marine Le Pen pourrait laisser sa place à Jordan Bardella et le climat de confusion depuis la dissolution pourraient ouvrir des brèches », avance auprès du JDD le chercheur au CNRS et au Cevipof Bruno Cautrès. « Les personnalités hors système sont aussi un signe des temps, qui croient qu’un individu seul, issu de la société civile, peut déverrouiller le carcan politique », ajoute-t-il. La mise en pratique semble toutefois plus difficile. « Malgré la tradition bonapartiste d’un homme providentiel encore bien ancrée, jamais un tel candidat n’a réussi à casser le mur du son dans l’Hexagone depuis le général de Gaulle », précise de son côté au JDD l’historien Jean Garrigues.
Les exemples sont pourtant pléthore à l’étranger. Du très médiatique magnat de l’immobilier Donald Trump aux États-Unis à l’acteur et comédien Volodymyr Zelensky en Ukraine, en passant par l’ancien footballeur professionnel Mikheïl Kavelachvili en Géorgie. « Il y a une culture des partis politiques en France, même si elle est en train de voler en éclat, qui rend difficile la reproduction de ce genre de scénario », explique Jean Garrigues. « Ça vient aussi du fait que nous sommes une des plus anciennes démocraties de l’ère moderne. Et de la révolution à aujourd’hui, nous avons besoin d’appartenir à un camp », poursuit le président de la commission internationale d’histoire des assemblées.
En 2017, Emmanuel Macron n’était pas un candidat hors du sérail politique mais avait bénéficié de cette tentation « dégagiste ». En 2027, si aucune personnalité providentielle issue de la société civile n’arrive à se frayer un chemin vers le pouvoir, une partie de l’électorat pourrait alors se tourner vers l’abstention… Ou vers le Rassemblement national et La France insoumise, qui sont peut-être les partis les plus « hors système » au sein de ce cadre politique.
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