La photo qui barre la Une du JDD dit tout. Il est 17 heures en ce samedi 11 mai 1968, au cœur du Quartier latin à Paris, et des agents de la voirie s’efforcent à coups de bulldozers d’effacer les traces d’une tragique et folle nuit, celle qui restera dans l’Histoire comme « la nuit des barricades ».
En quelques heures, ce Quartier latin est devenu une poudrière. Équipés de leurs casques sans visière, d’un sac en bandoulière contenant un masque à gaz, d’une matraque et d’un bouclier, les policiers ont été répartis autour de la Sorbonne et du Panthéon. Longtemps, ils vont rester de marbre face aux manifestants, étudiants pour la plupart, qui, depuis des semaines, conduisent une révolte spontanée, antiautoritaire, de nature à la fois sociale, culturelle et politique contre la société traditionnelle ; l’oppression politique, les systèmes établis et aussi, et encore, contre le pouvoir gaulliste.
Ils se comptent par milliers. À coups de pioche ou de barre de fer, les pavés sont extraits des rues. Vieux meubles, grilles d’arbres, panneaux d’affichage, tout est bon pour ériger des barricades. « Ces barricades, écrira Daniel Cohn-Bendit, l’un des leaders du Mai-68, n’étaient plus seulement un moyen d’autodéfense ; elles devenaient symboles d’une certaine liberté. »
« Sans doute n’avait-on jamais vu cela à Paris »
À 21 heures, ce vendredi, la première barricade est constituée. À 02 heures 30, en pleine nuit, les forces de l’ordre ont donné l’assaut. À 04 heures 30, les dernières barricades ont été démantelées. Bilan : 367 blessés. 251, dont 18 dans un état grave, parmi les policiers ; 116, dont 4 grièvement, chez les étudiants ; 118 voitures endommagées, dont 60 totalement incendiées, et 460 interpellations. Par miracle, aucun mort n’est à déplorer.
Dans sa chronique « On en parle », en page 2 du Journal du Dimanche, Philippe Labro écrit : « Sans doute n’avait-on jamais vu cela à Paris. Quelque chose dont personne n’est encore aujourd’hui capable de mesurer la portée… Mais ceux que l’on avait un peu hâtivement baptisés un ‘‘groupuscule’’ se sont révélés comme une nouvelle classe sociale. Et cette classe conteste toute une société. »
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La FGDS (Fédération de la gauche démocrate et socialiste), présidée depuis 1965 par François Mitterrand, le Parti communiste de Waldeck Rochet ainsi que les républicains indépendants emmenés par Valéry Giscard d’Estaing condamnent ensemble les excès de la répression et la politique du gouvernement. Dès lors, encouragée par Daniel Cohn-Bendit, appuyée par tous les syndicats, CGT, FO et CFDT, une grève générale est décidée pour 24 heures, dans tout le pays, dans tous les secteurs.
Tout bouge, tout éclate, y compris à la télévision où plusieurs responsables de magazines, tels que « Cinq Colonnes à la une » « Zoom » ou « Caméra 3 », s’indignent par communiqué de la scandaleuse carence d’informations du public dont a fait preuve, depuis le début des manifestations d’étudiants, l’Office de la RTF. Bref, la France est paralysée.
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