Il était environ 5h30. Je faisais la mise en place du magasin, comme d’habitude, quand j’ai entendu des cris dehors. Je suis sorti, et j’ai vu un homme en train de s’en prendre verbalement et physiquement à deux jeunes femmes. L’une d’elles avait un enfant dans les bras. Je me suis interposé. Et ça ne lui a pas plu du tout : « Je vais te fumer, te détruire, je vais cramer ta boulangerie ! » Il m’a insulté de tous les noms, menacé de mort, puis il est parti.
Moins d’une heure plus tard, vers 6h15, la sonnerie de la porte d’entrée retentit : « Oh le boulanger ! T’es où le boulanger ? » Je travaillais dans l’arrière-boutique, d’où je peux voir sur un écran qui rentre et sort. Je l’ai tout de suite reconnu. Il avait un fusil. Mon épouse allait sortir pour le servir, pensant que c’était un client. Je l’en ai empêchée et j’ai foncé à la rencontre du jeune. Ma priorité, c’était de mettre ma femme à l’abri. Point barre. Je n’ai pas réfléchi plus que ça.
J’ai d’abord saisi l’arme pour nous mettre hors de danger, puis je l’ai attrapé et je l’ai foutu dehors. Je fais 1m75 pour 110 kilos. Il a reculé. Il n’a pas eu le choix. On le voit bien sur la vidéo qui circule partout. J’ai tenté de lui arracher l’arme, mais il la tenait bien. Alors je l’ai déséquilibré en le poussant par-dessus une barrière. Je ne l’ai pas frappé, mais je l’ai plaqué contre le mur, en lui criant dessus. Je voulais qu’il comprenne qu’il était tombé sur la mauvaise personne.
Ma femme a couru chercher son téléphone pour appeler les gendarmes et a ramené l’arme à l’intérieur. Histoire qu’il ne puisse pas la récupérer, si jamais les choses tournaient mal. Quand les forces de l’ordre sont arrivées, elles ont saisi le fusil (qui n’était pas chargé, selon elles), les vidéos de surveillance et quelques affaires qu’il avait laissées sur le pavé en prenant ses jambes à cou. Plus tard dans la matinée, je suis allé déposer plainte. Ils nous ont présenté un pêle-mêle de photos. Neuf visages. Je l’ai immédiatement reconnu. Ma conjointe aussi.
« Ma femme aurait pu mourir de peur »
Je tiens une boulangerie de quartier. En général, c’est plutôt calme. Dans ma carrière, bien sûr, j’ai déjà eu affaire à des types alcoolisés, un peu trop virulents, qu’il fallait faire sortir du magasin. Mais là, c’était un cran au-dessus. Je n’avais jamais vu ça. Qu’est-ce que c’est que cette société où un gars peut revenir avec un fusil juste parce qu’on l’a empêché de s’en prendre à une femme ? C’est quoi ce délire ? Revenir… pour tuer ? La vie, ce n’est pas un jeu vidéo. Ma femme aurait pu mourir de peur en le voyant débarquer avec cette arme.
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D’ailleurs, maintenant, elle a peur. Et elle ne sera rassurée que quand la gendarmerie l’aura attrapé. Ils le cueilleront forcément, mais est-ce que ça suffira pour l’empêcher de recommencer ? Aujourd’hui, en prison, il y a des télés, des consoles de jeux vidéo, le wifi. Parfois, on dirait même que les détenus vivent mieux que nous…
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