
Ma paroisse est une paroisse comme les autres, aurait pu dire le saint curé d’Ars, en adoptant les mots du Journal d’un curé de campagne de Bernanos : à son arrivée en 1821, Ars est un petit village de la région des Dombes qui ne compte que 200 âmes… Et pas des plus ferventes : on y trouve quatre cabarets, on y travaille le dimanche et les paysans blasphèment ! La tourmente révolutionnaire est passée par là. Mais la famille de Jean-Marie Vianney appartient à la filiation spirituelle des résistants, de ceux qui ont fait confiance aux prêtres réfractaires, et qui sont capables de faire des kilomètres pour assister à la messe et suivre le catéchisme en cachette.
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Jean-Marie Vianney n’est certes pas le plus instruit des prêtres de son temps. « Dans ma famille c’est moi qui étais le plus nigaud », dira-t-il avec beaucoup d’humilité, et peut-être même en exagérant, car il y avait des livres dans sa bibliothèque… Mais il est vrai qu’il ne maîtrise pas bien le latin au séminaire. Ce sont surtout ses qualités d’âme qui le distinguent : sa volonté héroïque et son courage indomptable pour réveiller ses paroissiens, son activité inlassable dès lors qu’il s’agit du salut des âmes. Il ne se ménage pas, mange et dort peu, et à la fin de sa vie, passe dix-huit heures par jour au confessionnal, jusqu’à épuisement total.
En quelques années, il produit une véritable « révolution des cœurs », écrit son biographe Mgr Francis Trochu, dans son village jusque-là peuplé de quelques familles vraiment chrétiennes. Il réforme les mœurs – l’honnêteté des habitants d’Ars est devenue proverbiale –, et ranime la ferveur par le souci d’honorer Dieu par une belle liturgie, à travers des ornements et des objets sacrés de qualité : « Rien n’est trop beau pour Dieu ! » disait-il, alors qu’il vivait dans la pauvreté. De même, il répond à l’ignorance religieuse en faisant le catéchisme aux enfants tous les matins et crée une œuvre pour les orphelines.
On venait de loin pour se confesser à lui, car il avait le don de lire dans les âmes. Dans toute la France, a résumé d’un trait lumineux Jean de Fabrègues, le saint curé d’Ars a été « l’apôtre d’un siècle désespéré » qui verse dans l’ésotérisme, en particulier chez les écrivains comme Hugo et George Sand… Son rayonnement est tel qu’il subit les attaques du démon, qu’il appelle le « Grappin ».
Celui-ci fait un tintamarre formidable, macule un tableau dans son escalier représentant la Vierge Marie, et essaie de le persuader de quitter sa paroisse pour cause d’incapacité – le saint curé d’Ars tentera de le faire par deux fois. Ce combat spirituel se manifeste avant chaque grande conversion : « Vianney, Vianney, je t’aurai ! » lui murmure Satan. Sans succès.
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Aux pécheurs, il prêche inlassablement le pardon des péchés et la consolation, avec les mots justes. « Il est plus facile de se sauver que de se perdre, tant est grande la miséricorde de Dieu », affirme-t-il. Un an avant sa mort, en 1858, on compte 100 000 personnes venues à Ars, sans oublier tous les fondateurs d’ordres religieux qui sont allés le consulter, faisant de lui un des artisans majeurs du formidable relèvement spirituel de la France au XIXe siècle. En 1929, le pape Pie XI l’a proclamé « patron de tous les curés de l’univers ».
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