
Lundi soir, peu après sa défaite au premier tour des Internationaux de France, Caroline Garcia a fait ses adieux au public de Roland-Garros. En larmes, mais soulagée. « Après plus de vingt-cinq ans à consacrer presque chaque seconde de ma vie à ce sport, je me sens prête à tourner la page », a déclaré la Lyonnaise, ex-n° 4 mondial. Le premier jour du reste de la vie d’une championne, qui a longtemps déploré son état d’esprit toxique et son épuisement, nourri par un stress qui l’avait conduite à mettre brutalement fin à sa saison en septembre 2024. « Je suis fatiguée de vivre dans un monde où ma valeur est mesurée par mon classement et mes fautes directes, avait-elle alors expliqué. Trop longtemps j’ai laissé le tennis me consumer, mais je suis plus que ça. Je ne suis pas parfaite, mais je fais de mon mieux. »
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Mettre des mots sur les maux. Depuis la sortie fracassante de Naomi Osaka en 2021, toujours à Paris, la parole s’est libérée. La Japonaise, n° 2 mondial, rincée psychologiquement, avait refusé de se présenter devant les médias pour « préserver sa santé mentale » avant de quitter précipitamment le tournoi. Un séisme sur la très policée planète tennis qui avait eu le mérite de briser un tabou : l’épuisement psychologique des cadors du circuit. « C’est un sport où la solitude est permanente. La pression induite par les enjeux sportifs et financiers participe de cet isolement. Le plaisir de jouer est souvent écrasé par l’obsession de la performance, m’explique Cécile Delage, psychologue du sport et préparatrice mentale. Comme l’échec est fréquent et qu’il n’y a pas de temps pour le digérer, le joueur va développer une forme d’anxiété insidieuse, pas toujours facile à détecter. Le moindre grain de sable peut tout faire exploser. »
Mais un champion a-t-il le droit d’aller mal ? Pas si simple. Dans l’imaginaire collectif, le Top 100 se doit d’être robuste, pugnace, résilient. Tout particulièrement sur le circuit masculin où avouer ses failles est encore souvent considéré comme un aveu de faiblesse. « Je me sentais comme un hamster dans sa roue. Avec le calendrier actuel, impossible de m’arrêter, j’avais besoin de sortir de cette spirale et de réfléchir à ma vie, avait soufflé le Norvégien Casper Ruud, ex-n° 2 à l’ATP, avant sa victoire aux Masters 1 000 de Madrid le mois dernier. J’ai consulté un professionnel et cela m’a beaucoup aidé. Je lui suis reconnaissant d’avoir été honnête avec moi-même et d’avoir compris que j’avais besoin d’aide. » Un phénomène pris au sérieux par la Fédération française de tennis (FFT). Depuis 2022, à Roland-Garros, deux psychologues et trois psychiatres sont joignables par téléphone pendant toute la quinzaine et l’anonymat est entièrement préservé.
La conférence de presse reste obligatoire après les matchs mais un modérateur supervise désormais systématiquement les échanges. Pour court-circuiter les dérapages, mais aussi éteindre à petit feu la connivence que les journalistes passionnés finissent par nouer avec les joueurs et joueuses au fil du temps. Un cloisonnement inédit. Désormais, c’est chacun dans son couloir. Le bien-être des héros de la terre battue s’en trouvera peut-être amélioré – et c’est le plus important –, quitte à mettre à distance fans et suiveurs.
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