La soirée de samedi dernier, en marge de la victoire éclatante du Paris Saint-Germain en Ligue des champions, a laissé de nombreuses traces de dégradations partout en France, rappelant à certains les émeutes qui avaient marqué le début de l’été 2023. Le match avait lieu à Munich, mais Paris a été la ville la plus touchée. Interpellations et lacrymos en trop grand nombre pour les uns, policiers et gendarmes pas assez nombreux pour d’autres, forces de sécurité trop statiques pour les troisièmes… Après le saccage d’une partie de la capitale, la polémique couve autour du dispositif de sécurité mis en place à l’occasion.
Dès lundi matin, le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, s’est rendu sur le plateau de BFM TV pour déminer. « Pas de faille » dans le dispositif, mais une « forme d’échec », a-t-il concédé. Le lendemain, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a volé à son secours lors des questions d’actualité au gouvernement : « Il n’y a jamais eu autant de gardés à vue », a-t-il défendu devant l’hémicycle, à l’Assemblée nationale. Sur sa droite, le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, avait dénoncé dès dimanche soir un « fiasco » sécuritaire. À gauche, le député Insoumis Éric Coquerel a réclamé la création d’une commission d’enquête sur le dispositif des forces de l’ordre, dénonçant « la doctrine du maintien de l’ordre et la chaîne de commandement qui part du ministère de l’Intérieur ».
Le préfet de police de Paris, dont le professionnalisme a régulièrement été souligné par ses pairs, a demandé cette semaine à ses équipes de lui fournir des bilans détaillés et chiffrés. Il a fait recompter, service par service, le nombre de policiers et gendarmes déployés dans la capitale le soir du match, pour être certain que le chiffre théorique annoncé était bien le même que le chiffre réel sur le terrain. « Le compte est là. 5 400 effectifs le samedi soir, 4 800 le lendemain pour la parade », détaille-t-il au JDD. C’est bien plus que les 4 000 forces de l’ordre déployées lors de la finale de la Coupe du monde en 2018. « Le dispositif était correctement calibré », soutient-il. Ce qui ne l’empêche pas de juger « insupportables » les scènes de violence qui ont circulé toute la semaine. Côté unités de forces mobiles – compagnies républicaines de sécurité et escadrons de gendarmes mobiles –, la préfecture de police avait été plutôt bien servie par la Place Beauvau, qui lui a accordé 34 unités, soit deux de plus que le nombre demandé. « J’ai moi-même fait les briefings. Les consignes étaient claires et connues de tous », poursuit le haut fonctionnaire.
Face à des émeutiers ultraviolents, dont certains n’ont même pas attendu la fin du match pour commettre les premières dégradations, qu’auraient pu faire 5 000 policiers ou gendarmes supplémentaires ? « Le sujet n’est pas le nombre. On n’était pas assez mobiles, les renforts ne savaient pas où se placer », constate un policier qui a participé à la manœuvre. Entre les écrans de la salle de commandement de la préfecture de police, d’où Laurent Nunez commandait ses troupes, et les policiers sur le terrain, le ressenti n’est pas le même. « J’ai l’impression qu’on est retombés dans les travers du début des Gilets jaunes en 2018, avec un dispositif un peu trop rigide. Quand une copie est mauvaise, il faut le dire. On s’est fait déborder », atteste un autre.
D’un côté, le RN évoque une « défaite de la sécurité » en pointant la coresponsabilité du ministre de l’Intérieur. De l’autre, La France insoumise réclame une révision du schéma national du maintien de l’ordre (SNMO)
Il n’y a pas qu’à la préfecture de police que les « retex » (retours d’expérience) sont critiques. « Nous étions neuf effectifs face à plusieurs milliers de supporters. On s’est fait allumer au mortier à plusieurs reprises », rapporte un policier à Niort. « Et pour couronner le tout, le collègue au centre d’information et de communication a filtré les informations et annoncé aux autorités que tout allait bien ! On s’est sentis bien seuls », poursuit-il. À Argenteuil et Bezons, les témoignages se ressemblent : « 22h50, ça pète de partout, mais les instructions sont de ne pas s’engager. » Il faudra attendre 23h40 pour que les premiers effectifs investissent le bitume, déjà bien amoché. À Oyonnax, deux patrouilles tout au plus pour l’ensemble du week-end. « Il y a eu quelques feux de poubelles sur la circonscription, avec des attroupements, mais nous n’avions pas de possibilité d’intervenir », constate une source au sein du commissariat.
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La répétition de ces émeutes impose de très nombreuses remises en question politiques. En attendant, Laurent Nunez et Bruno Retailleau n’échapperont pas à la cuisine parlementaire. Ils seront tous deux interrogés par la commission des lois à l’Assemblée nationale. Le premier ce mardi à 21h30, le second ultérieurement. L’audition s’annonce hautement risquée, les cartouches pouvant venir de tous les bords politiques. D’un côté, le RN évoque une « défaite de la sécurité » en pointant la coresponsabilité du ministre de l’Intérieur. De l’autre, La France insoumise réclame une révision du schéma national du maintien de l’ordre (SNMO), dont la dernière mouture remonte à 2021, juste après les Gilets jaunes. Au centre, chez les macronistes, le député EPR et président de la commission des lois, Florent Boudié, pointe « de graves dysfonctionnements » pour justifier cette audition. On imagine l’exercice pénible, quoiqu’inévitable, pour le préfet de police. Lui qui était il y a quelques mois seulement l’architecte en chef de la sécurité réussie des Jeux olympiques.
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