Le 11 mai dernier, c’est dans ce bastion de la droite des Hauts-de-Seine que Bruno Retailleau achève sa campagne pour la présidence des Républicains, devant 2 500 personnes. Une semaine plus tard, les 6 994 adhérents LR du département votent Retailleau à 85,4 %. Le maire Républicain Pierre-Christophe Baguet a vu arriver la vague depuis l’entrée du Vendéen au ministère de l’Intérieur, en septembre dernier : « Bruno Retailleau a redonné un élan très clair à la droite. Nous étions tombés à 170 adhérents à Boulogne-Billancourt avant la campagne interne. On est désormais à 865 », se félicite l’édile.
Élisabeth de Maistre (LR), élue à la législative partielle en février dernier devant les candidats Renaissance, Horizons et Nouvelle Énergie, succédant ainsi au macroniste Stéphane Séjourné désormais vice-président de la Commission européenne, ajoute que les adhésions continuent d’affluer depuis l’élection du nouveau président. À Boulogne-Billancourt, le peuple de droite se serait donc rassemblé derrière sa bannière d’origine, après huit années de dispersion.
Retailleau « se détache » du lot
L’offre à droite – au sens large – ne se réduit pourtant pas à un seul homme. Édouard Philippe, David Lisnard, Xavier Bertrand, Gérald Darmanin ou encore Michel Barnier… Il suffit de s’arrêter à la librairie Les mots et les choses, sur le boulevard Jean Jaurès, pour s’en rendre compte. Depuis mercredi, trois livres, bien exposés, valent candidatures à la candidature : Le Prix de nos mensonges (JC Lattès) d’Édouard Philippe, Je ne regrette rien (Fayard) d’Éric Ciotti et Ce que j’ai appris de vous (Calmann-Lévy) de Michel Barnier. Ces trois auteurs en rejoignent un autre, Bruno Retailleau, qui a récemment publié Ne rien céder : un manifeste contre l’islamisme. Tandis que ce l’ouvrage d’Édouard Philippe s’est vendu à quatre exemplaires, ceux d’Éric Ciotti et de Michel Barnier n’en pas encore trouvé preneur.
Au Marché Escudier, sous un soleil matinal ce vendredi 6 juin, Françoise, ancienne professeure en lycée professionnel à la retraite, estime que Retailleau « se détache » du lot des ambitieux de 2027 et souligne à quel point « il fait du bien au parti ». Un caddie bien rempli à la main, Gabrielle temporise : « Retailleau ou un autre, peu importe, ils parlent tous beaucoup pour pas grand-chose, cingle-t-elle, renvoyant le ministre de l’Intérieur aux récents incidents qui ont éclaté dans sa ville au soir de la victoire du PSG. Samedi dernier, Boulogne était à feu et à sang après le match. » Gabrielle est encore sous le choc des mortiers tirés sous sa fenêtre. Retailleau favori, mais à un poste exposé. On comprend qu’à chaque incident, son crédit d’autorité peut être atteint.
Trop de candidats, et un risque d’archipélisation de la droite ?
Déjà lancé en campagne pour 2027, et en tête dans les sondages, Édouard Philippe inquiète visiblement les élus Républicains. Élisabeth de Maistre lui adresse un tacle bien senti : « J’attends toujours son plan massif pour la France. » Françoise, la professeure retraitée, lui reproche sa « proximité » avec Thierry Solère, ancien député de la circonscription et aujourd’hui conseiller d’Emmanuel Macron. Un individu « peu recommandable qui orchestre des dîners avec l’extrême-droite » – allusion à des rencontres organisées par Solère en décembre 2023 entre Édouard Philippe, puis Sébastien Lecornu, et Marine Le Pen. Pierre, lui aussi retraité, estime que la page Philippe est tournée, et le range sur l’étagère des « has-been ». Quid de David Lisnard ? Françoise avoue « ne pas vraiment connaître ses idées ». Gabrielle, elle, confond le maire de Cannes avec… le maire de Nice, Christian Estrosi. Pas simple de passer la rampe de la scène nationale, Lisnard reste tanqué sur la Côte d’Azur. Son candidat à la partielle de février n’a pas passé la barre des 5 %.
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Le « scénario du pire »
Pléthore de visages à identifier, à retenir, avec le risque de l’archipélisation de la droite ? « C’est toujours comme ça des mois avant l’échéance, puis ça se rétrécit au fur et à mesure », veut croire Élisabeth de Maistre. Philippe Tellini, soutien local de Lisnard, voit dans cette profusion l’enrichissement de « la boîte à idées » des camps conservateur et libéral. Sans doute plus prosaïques, les Boulonnais redoutent le poison des affrontements mortifères que la famille a connus il y a peu. « S’ils se divisent pendant trop longtemps, on va se retrouver avec un second tour RN-Mélenchon », prophétise Françoise qui craint le « scénario du pire ».
En 2021, Bruno Retailleau avait renoncé à s’engager dans la primaire de son parti face à la multiplicité de candidats. Mais la présidentielle est une tout autre affaire, rien ne dit que Wauquiez, Darmanin, Bertrand, Barnier ou Lisnard seraient prêts à s’effacer pour lui ouvrir la voie de la présidentielle.
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