Étudiante en première année de master, je me suis rendue à une soirée avec ma promotion à la fin de l’année 2023. Je sortais d’un match de volley universitaire et j’avais dîné avant de rejoindre la fête dans un appartement. Nous avons ensuite prolongé les festivités vers minuit dans une boîte de nuit, située dans le centre d’une ville du sud-ouest de la France. Je n’avais alors bu qu’un verre. À notre arrivée dans l’établissement, on a commandé une bouteille de vodka et je me suis servi ce qui sera mon dernier verre de la soirée. Dans la boîte, je n’hésite pas à danser et à me mêler à la foule de fêtards. Il n’a pas fallu longtemps pour que je ne me sente pas bien. Je pense avoir un gros coup de fatigue.
Selon mes amis, j’ai du mal à parler et à articuler. J’ai l’impression que plus rien n’a de sens. Les personnes à mes côtés commencent à me demander si je vais bien et si je veux rentrer chez moi. Une amie me commande alors un chauffeur VTC via une application. Il était à peine 1h-1h30 du matin. La course allait être rapide puisque je ne suis qu’à une quinzaine de minutes à pied de mon domicile. Un autre ami me raccompagne devant la boîte de nuit pour s’assurer que je monte bien dans la voiture de mon chauffeur. Mais avant même de sortir de l’établissement, j’ai un trou noir…
« Je croyais être morte »
Je me réveille le lendemain matin, la tête complètement embrumée. Tout était blanc autour de moi. Je croyais être morte. Qu’était-il arrivé la nuit dernière ? La seule chose dont je me souvienne, c’est de marcher dans le couloir sombre, éclairé aux lumières rouges, de la boîte de nuit qui mène à la sortie.
Après avoir émergé quelques minutes, je me rends compte que je suis nue, dans un lit qui n’est pas le mien. J’ai des palpitations au cœur mais je n’ai pas l’impression d’avoir la gueule de bois. Je sens en revanche une douleur au niveau des parties génitales. Puis, je vois un homme à mes côtés dans le même lit. Il pourrait avoir l’âge d’être mon père. Je constate que mon téléphone, mes vêtements et mon sac se trouvent de son côté du lit.
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Je fais un mouvement de repli pour m’éloigner de lui et je remonte surtout le drap sur moi pour cacher mon corps. Je l’interroge : « Comment suis-je arrivée ici ? Qui êtes-vous ? » Il me répond vaguement, un coup en français, un coup en anglais et m’assure que l’on s’est rencontré dans un autre club de la ville, où je ne me suis pourtant jamais rendue. Il me dit que l’on a passé la nuit ensemble et que l’on se trouve chez lui.
Très calme, il s’approche ensuite de moi, retire le drap avant de m’agresser sexuellement. Je suis tétanisée. Je ne pensais qu’à rentrer chez moi. Au bout de quelques minutes, qui paraissaient être une éternité, je réussis à l’interrompre en affirmant que je souhaite aller aux toilettes. Il accepte que je m’y rende.
J’ai le cœur qui va exploser. Je tremble. Je suis incapable de me souvenir ce qu’il s’est passé hier. Je ne comprends pas ce qui se passe : ce n’est pas dans mon habitude de passer la nuit avec un inconnu. Je constate également que je n’ai aucune idée d’où je suis, les volets étant tous baissés. Je pense alors que la seule façon de quitter les lieux est qu’il me raccompagne en voiture. Je finis par sortir des toilettes et je me dis que si je suis sympa avec cet homme, il le sera en retour. Je lui demande de me ramener au moyen de transport le plus proche. Il s’exécute après m’avoir rendu mes affaires.
Dans son véhicule, le trajet est interminable. J’ai l’impression qu’il fait des détours pour me désorienter et rallonger le trajet. J’ose lui demander son âge. S’il me répond d’abord, en anglais, qu’il a 34 ans, il se reprend et me dit qu’il a 44 ans. Je bondis en criant que j’ai à peine 20 ans. Face à ma panique, l’homme freine et me demande de descendre immédiatement.
Par chance, je me retrouve face à une station de métro et je rentre chez moi. Dans le métro, une amie m’appelle et je déballe tout. Elle me fait comprendre que cette situation n’est pas normale. En arrivant chez moi, je m’aperçois dans le miroir : mon mascara a complètement coulé de mes yeux, comme si j’avais pleuré la nuit dernière. Je vais rester assise sur mon canapé à regarder dans le vide pendant un long moment avant de prendre une douche.
J’ai aussi contacté mes camarades avec qui je me trouvais la veille. Après avoir échangé rapidement par message avec eux, je comprends que l’individu avec qui je me trouvais est le chauffeur de la veille. Il sera d’ailleurs identifié plus tard par la police.
En prenant une douche, j’observe deux traces, qui ressemblent fortement à des piqûres, au niveau des hanches. Où est-ce que j’ai pu avoir ces traces ? Dans la boîte ? Dans la voiture du chauffeur ?
Plus tard dans la journée, je suis finalement allée déposer plainte. Une amie m’a accompagné et s’est rendu compte que la localisation de la fin de ma course était restée bloquée. Ce qui a permis à la police de découvrir que le suspect résidait dans un quartier sensible de Toulouse. Le policier en charge de mon dossier m’a tout de suite prise au sérieux et a relevé la plaque d’immatriculation du chauffeur. J’ai appris que l’homme était âgé d’une cinquantaine d’années et d’origine marocaine.
Le lendemain, j’ai apporté au commissariat les vêtements que je portais à la soirée et j’ai consulté plusieurs médecins qui confirmeront que j’ai été violée. Les analyses révéleront, bien plus tard, que j’ai bien été droguée ce soir-là.
« Il était déjà connu de la police »
Le chauffeur a été interpellé quelques mois plus tard et a été placé en détention provisoire. J’ai dû le confronter à nouveau pour le reconnaître. Il a nié les faits en bloc en assurant que la relation sexuelle était consentie.
J’ai appris récemment, lors d’une deuxième présentation devant une juge d’instruction, qu’il faisait déjà l’objet de deux signalements sur les plateformes de VTC et qu’il était connu de la police à l’étranger, notamment pour des violences.
Malgré cela, l’homme a été libéré et se trouve sous contrôle judiciaire. Il a l’interdiction d’entrer en contact avec moi et les autres témoins et ne doit pas exercer en tant que chauffeur.
Depuis cette nuit de cauchemar, je n’ai plus jamais été la même. Je ne suis plus jamais ressortie en boîte de nuit dans cette ville, que j’ai depuis quittée, et je ne bois quasiment plus d’alcool. Il est désormais hors de question que je fasse appel à des taxis ou à des VTC. Les antidépresseurs et anxiolytiques, que je prends quotidiennement depuis mon viol, m’empêchent d’avoir des crises d’angoisse et m’aident à dormir. De jour comme de nuit, je suis plus vigilante dans la rue et dans les transports, où l’insécurité ne fait que grandir. J’ai enfin compris que ça n’arrivait pas qu’aux autres et que la sécurité est un luxe.
*Le prénom a été modifié.
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