
Le 24 avril 2025, le Conseil constitutionnel annule les dispositions de la loi relative à la sûreté dans les transports qui permettaient à des agents privés désignés par l’exploitant d’un réseau de transports publics – pourtant habilités à interdire l’accès aux emprises des espaces, gares et stations gérés par l’exploitant – de contraindre un intrus à quitter ces lieux ou à descendre d’un véhicule en cas de refus d’obtempérer. Cette mesure de contrainte relève, selon le Conseil, de la seule compétence des autorités de police. Mais l’article 12 de la Déclaration de 1789, qu’il invoque au soutien de cette solution bancale (pouvoir interdire sans pouvoir s’opposer), dispose seulement que « la garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ».
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Le 12 juin suivant, il censure, dans la loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic », des dispositions permettant aux services de renseignements – dans des conditions strictes et pour des finalités précises de détection des menaces que fait peser la criminalité organisée – d’avoir directement accès aux fichiers fiscaux et de mettre en œuvre des traitements algorithmiques de masse portant notamment sur les URL (des adresses web). Ces dispositions sont jugées contraires à la protection de la vie privée. Mais la Constitution est muette sur le traitement des données personnelles et ne mentionne d’ailleurs même pas la protection de la vie privée.
La gravité des faits niée
Enfin, le 19 juin, le Conseil censure, dans la loi visant à renforcer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants, des mesures que le Parlement avait considérées comme décisives pour enrayer des parcours délinquants. Sanction de la méconnaissance des mesures éducatives, comparution immédiate, audience unique, renversement de l’excuse de minorité, tout tombe. Ces mesures ne se substituaient pas aux règles antérieures : elles se bornaient à y déroger dans des cas exceptionnels caractérisés par l’âge atteint par le mineur, la gravité des faits et leur réitération. La loi Attal subordonnait l’emploi de ces mesures à un quantum minimal de la peine encourue (trois ou cinq ans, selon les cas).
« Des mesures décisives pour les mineurs censurées »
Mais le Conseil, substituant son appréciation à celle du législateur, juge ces seuils trop bas. Ainsi, s’agissant de la comparution immédiate, que la loi réservait aux mineurs d’au moins 16 ans auteurs de délits punis d’au moins trois ans de prison et ayant déjà eu affaire à la justice l’année précédente, le Conseil juge les faits insuffisamment graves pour justifier la mesure. Le fondement de cet interventionnisme n’est pas dans la Constitution mais dans un « principe fondamental reconnu par les lois de la République » découvert par le Conseil dans une décision du 29 août 2002 et interprété ici extensivement.
Surinterprétation
Les décisions des 24 avril, 12 juin et 19 juin, rendues dans la nouvelle composition du Conseil, poursuivent dans une voie jurisprudentielle marquée par la surinterprétation de notions souvent vagues figurant (parfois bien cachées !) dans le « bloc de constitutionnalité ». Elles sont non moins marquées par un « contrôle de proportionnalité » vétilleux et impressionniste, emprunté à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui est une véritable porte d’entrée dans le gouvernement des juges. Peut-on encore légiférer dans ces conditions ?
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