Raphaël Glucksmann a tenu parole. Lors de sa rentrée politique à La Réole (Gironde), en octobre dernier, le patron de Place publique prend un double engagement : être prêt pour les prochaines échéances politiques et élaborer un projet d’ici juin 2025. Ce sera chose faite ce lundi 23 juin lors d’un point presse organisé dans un bar du Paris bobo du 10e arrondissement. Intitulé « Notre vision pour la France », le document synthétise des milliers de contributions militantes et citoyennes et s’articule autour d’une cinquantaine de chantiers destinés à répondre aux défis démocratiques, sociaux et écologiques de demain.
Une ébauche de programme présidentiel ? L’entourage du député européen parle pudiquement de « contribution au débat à gauche et au-delà dans le prolongement des européennes ». Ah, les européennes ! Ce temps béni où Glucksmann, tête de liste PS-Place publique, réalisait un score à deux chiffres (13,8 %). Une première dans un scrutin national depuis dix ans pour la gauche réformiste. Un succès vite consommé. Le soir même des résultats, Emmanuel Macron prononce la dissolution. Entre la création du Nouveau Front populaire (NFP) et l’interminable feuilleton de Matignon, l’essayiste disparaît du paysage.
Pas de quoi entamer sa conviction : il existe une aspiration pour la social-démocratie dans le pays. Et qui mieux que lui pour l’incarner ? Encore faut-il rassembler. « On ne peut pas dire qu’il se donne beaucoup de mal », lâche un proche de Bernard Cazeneuve, piqué par les réticences de Glucksmann à un début d’alliance avec l’ancien Premier ministre. « À terme, nous avons vocation à nous retrouver », tempère néanmoins un proche de Raphaël Glucksmann.
Si l’eurodéputé temporise, c’est pour préserver une indépendance qu’il juge aujourd’hui stratégique et ne pas compromettre l’espérance dans une étreinte avec « l’ancien monde ». Les Insoumis ne lui reprochent-ils pas à l’envi de vouloir ressusciter la gauche de François Hollande ? L’entourage esquive : « On se concentre sur le travail de fond. » Reste l’écueil de la montée en gamme. Passer d’une campagne des européennes à la présidentielle exige de changer de braquet. Or, fort de ses 12 000 adhérents, Place publique demeure un frêle esquif pour affronter la mer des batailles. « Le pognon, le savoir-faire, le réseau d’élus, c’est nous qui les avons », rappelle opportunément un cadre socialiste qui conseille à Glucksmann de se bouger. « Qu’il prenne son téléphone, appelle les députés, fasse semblant de s’intéresser… Bref, qu’il fasse de la politique ! » ajoute-t-il.
Encore un peu tendre, le philosophe, pour briller en politique ? Ses proches reconnaissent quelques « loupés » : « Nous sommes un jeune parti. Nous avons deux coprésidents, un sénateur et un député. C’est difficile pour nous de parler à tout le monde, mais on progresse ! » Pas dans la bonne direction, tacle à nouveau un « ami » socialiste qui ironise sur le tour de France à bas bruit entamé par Glucksmann ces dernières semaines, à la rencontre des Français et des élus locaux : « Tu peux te permettre ça quand tu t’appelles Philippe et que tu t’appuies sur une machine bien huilée, pas quand tu t’appelles Glucksmann. » Où l’on comprend que les ambitions de l’eurodéputé ne font pas trembler ses rivaux et n’enthousiasme pas (encore ?) le peuple de gauche. Glucksmann va devoir s’arracher pour inverser la tendance. La présidentielle n’a rien d’un cours magistral et encore moins d’une balade philosophique.
L’arrivée, à la rentrée prochaine, de Léa Salamé – compagne de Raphaël Glucksmann – à la présentation du 20 Heures de France 2, après onze ans passés à la matinale de France Inter, sera un écueil de plus en cas de candidature à la présidentielle. « Je ne vois pas comment il peut être candidat dans ces conditions », dramatise un interlocuteur régulier de l’essayiste. L’entourage du couple se veut rassurant. Léa Salamé pourrait, le moment venu, se déporter des sujets politiques pour éviter tout conflit d’intérêts, comme elle l’a déjà fait sur France Inter au moment des élections européennes.
Source : Lire Plus






