Le régime des mollahs est-il un Daech qui a réussi ? La comparaison est pertinente, même si le groupe État islamique a souvent ciblé l’Iran dans des attaques sanglantes comme celle de janvier 2024, alors qu’une foule impressionnante se rendait sur la tombe du général Qassem Soleimani, patron des opérations extérieures des Gardiens de la révolution, tué lors d’une frappe américaine en Irak. Daech est ainsi à la fois l’ennemi juré et le frère jumeau sunnite de l’Iran. Tout comme le groupe État islamique, les mollahs ont toujours eu une visée hégémonique. Ce désir d’exporter leur révolution constitue une source de grandes tensions dans le monde arabe.
Face au royaume saoudien et à ses alliés régionaux sunnites, les mollahs ont su imposer une forme de leadership en profitant de régimes arabes déclinants et en se positionnant comme le diable face à Israël. Méthodiquement, les enturbannés ont transformé les combats anti-impérialistes et anticolonialistes pour se placer à la pointe de l’islamisme politique.
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Condamnation du bout des lèvres
C’est une véritable partie d’échecs qui s’est jouée depuis plus d’une trentaine d’années sur le terrain moyen-oriental. Habiles tacticiens, les Gardiens de la révolution ont réussi une forme d’unification de la région sous leur bannière, que ce soit au Liban, au Yémen ou à Gaza en traçant une ligne imaginaire de « résistance » partant de Téhéran et traversant Bagdad, Damas, Beyrouth, pour arriver jusqu’à la Palestine. Cette stratégie de la pieuvre repose sur un projet simple : faire des chiites les opprimés des régimes sunnites, en ravivant une querelle communautaire éternelle.
Le monde sunnite attend avec fébrilité la suite des opérations
Nombreux sont les dirigeants arabes qui, de l’Égypte à la Jordanie, ont mis en garde contre la prolifération du « croissant chiite ». Les plus hostiles aux mollahs étant les monarchies du Golfe, qui ne voient d’ailleurs pas d’un mauvais œil la volonté israélienne de stopper la nucléarisation de l’Iran et l’objectif avoué d’en finir avec la figure du Guide suprême. Cette détestation sunnite à l’endroit des Gardiens de la révolution explique la tiédeur des communiqués de nombreux pays musulmans, qui n’ont condamné que du bout des lèvres les frappes israéliennes. En cela, le conflit représente une opportunité historique pour Israël de précipiter un changement de régime en terre iranienne.
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Les deux faces d’une même pièce
Reste à savoir quels sont les objectifs ultimes de Benjamin Netanyahou. Un récent éditorial dans le quotidien The Jerusalem Post appelle directement Donald Trump à une intervention massive pour finir le travail. L’article évoque aussi la nécessité d’un soulèvement de l’intérieur pour décapiter le régime. Entre les lignes, on peut aussi comprendre qu’une partition de l’Iran n’est pas à exclure.
Un éditorial ne définit pas une ligne politique officielle, toutefois l’article du journal anglophone a fait grand bruit dans les hautes sphères américaines. Jusqu’où ira Israël ?
Que faut-il retenir des leçons de l’histoire et notamment celle de l’intervention américaine en Irak ? La force débouche-t-elle de fait sur un chaos bien plus incontrôlable que le mal qu’on cherchait à éradiquer ? Tout se décide en ce moment dans le Bureau ovale. Les États-Unis laisseront-ils Israël seul dans ce conflit ou apporteront-ils les fameuses bombes anti-bunker capables de détruire des sites nucléaires enterrés dans les montagnes ? Donald Trump se donne une quinzaine de jours pour trancher. Tactique ou temps de réflexion nécessaire compte tenu de la gravité du choix ? Une chose est sûre, la région en sera profondément changée.
Le monde sunnite attend avec fébrilité la suite des opérations. Derrière la guerre Israël-Iran, c’est l’autre guerre existentielle. La théocratie iranienne fera tout pour ne pas perdre les acquis de plusieurs années. Il en va de sa survie et de son influence. Pour y arriver, les mollahs sont prêts à tout. Ce conflit date de la dynastie des Séfévides, lorsque l’Iran a fait le choix de l’islam chiite pour s’affirmer face au grand rival sunnite. Aujourd’hui, les Gardiens de la révolution et Daech sont les deux faces d’une même pièce qui nous menace.
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