Nombreux sont les curieux à s’arrêter le long de la Garonne pour observer les 300 mètres de bouées flottantes, en cours d’installation, sous le pont de Blagnac, à la sortie de Toulouse. C’est ici, à quelques pas de l’aéroport, que Plastic Vortex déploie son tout premier système destiné à dépolluer le fleuve de ses déchets plastiques : « Le barrage est une structure flottante en ‘‘V” inversé, équipé de jupes immergées descendant jusqu’à 40 centimètres de profondeur. Les déchets flottants sont guidés vers un point unique puis un convoyeur automatisé les transfère vers une benne sur la berge », explique Anthony Coulon, directeur technique et cofondateur de Plastic Vortex.
L’un des atouts majeurs du projet repose sur cette automatisation inédite de la collecte : « L’innovation, c’est ce système qui permet de capter toute la pollution de surface et de la diriger automatiquement hors de l’eau. » Le dispositif, dont la mise en service est prévue à la mi-juillet, devrait permettre de récupérer au minimum huit tonnes de déchets par an, soit l’équivalent de 425 000 bouteilles en plastique, selon les estimations de l’entreprise. « Le deuxième aspect de l’innovation réside dans la résistance aux crues. C’est-à-dire que, quelles que soient les intempéries, le système va résister », assure le cofondateur Patrick Thaunay.
Ce système innovant et unique en France est né en 2017 à l’initiative d’Alexis Eskenazi, designer, et d’Anthony Coulon, ingénieur, alors étudiants à Toulouse. « Chaque année, 2,5 millions de tonnes de plastique prennent le chemin des océans. En France, ce sont jusqu’à 250 tonnes qui transitent par les cours d’eau. Plastic Vortex n’est qu’un pansement face à cette pollution, mais il est nécessaire », justifie Anthony Coulon. Les deux concepteurs sont rejoints en 2022 par l’entrepreneur Patrick Thaunay, qui donne une impulsion décisive pour industrialiser le projet. « J’ai vu que c’était un projet sérieux où tout avait été étudié, avec un système breveté », se souvient-il.
Ensemble, ils créent une société à mission et s’associent à une entreprise de conseil et d’ingénierie en développement durable, Inddigo, convaincue par ces entrepreneurs à la forte sensibilité environnementale et éthique. « On s’attache à faire des installations qui ont le moins d’impact environnemental possible. On cherche des endroits où des infrastructures existent déjà pour ne pas détruire des berges ou impacter les lieux », explique Anthony Coulon. « Pour ce qui est des déchets récoltés, ils seront triés sur place puis revalorisés », renchérit Patrick Thaunay.
« Nous allons éradiquer plus de 70 % des déchets flottants »
Bien que le projet soit accueilli avec enthousiasme, deux ans auront été nécessaires à Plastic Vortex pour lever 500 000 euros et obtenir les autorisations pour installer le dispositif. « C’est un projet complexe, avec à la fois des investissements importants, toute une stratégie à développer et beaucoup d’acteurs dans le secteur public à convaincre », explique l’entrepreneur. Un parcours long et sinueux, pour un barrage qui doit encore faire ses preuves : « Toulouse Métropole soutient l’expérimentation, poursuit-il, c’est-à-dire qu’ils nous accompagnent mais pour l’instant, ça ne leur coûte rien, tant qu’on n’a pas prouvé que le dispositif est efficace. »
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Les entrepreneurs espèrent faire du système toulousain une première référence pour un déploiement au niveau national : « Ce que l’on vise a minima, c’est installer 31 barrages sur tout le territoire, à des endroits bien précis choisis stratégiquement », précise Patrick Thaunay. L’équipe a par exemple étudié l’installation de barrages dans le Rhône, l’un des fleuves les plus pollués d’Europe, à Arles, Lyon-Vénissieux et Beaucaire. « Avec ces 31 barrages, on va couvrir plus de 90 % du territoire et éradiquer plus de 70 % des macrodéchets flottants », estime-t-il. Coût de l’opération : entre 15 et 20 millions d’euros.
Patrick Thaunay se dit confiant quant à l’obtention du financement, même s’il reconnaît que « les choses évoluent, mais de manière insuffisante et trop lente ». Le dirigeant prône par exemple une législation qui obligerait les collectivités à traiter leurs déchets flottants. « L’urgence n’est pas prise par les dirigeants à la hauteur de ce qu’elle est », regrette de son côté Anthony Coulon.
Conscients que leur dispositif ne suffira pas, à lui seul, à résoudre le problème de la pollution, ils insistent également sur la nécessité d’un changement global des comportements. « Il faut que les gens comprennent que s’ils jettent un mégot sur le trottoir, il finit dans un fleuve puis dans la mer, insiste Patrick Thaunay qui souhaite mettre en place des actions de sensibilisation autour de Plastic Vortex. Il faut agir maintenant car si on ne fait rien, en 2050, il y aura plus de déchets plastiques que de poissons dans les mers et les océans. Et 2050, c’est demain ! »
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