C’est une tempête qui agite le quartier Saint-Louis, non loin des allées ombragées qui mènent au château de Versailles. Le collège du Sacré-Cœur, réputé pour son environnement familial et son accompagnement personnalisé de quelque 900 élèves, fait l’objet d’une fronde, depuis le mois d’avril, menée en interne par une demi-douzaine de professeurs. Par voie de presse, ces enseignants dénoncent dans les colonnes du Parisien et de Libération une « atteinte à la liberté de conscience des élèves », un prosélytisme religieux illustré par des messes obligatoires, des concours de prière et l’enseignement du catéchisme imposé. Des « révélations » médiatiques qui, selon un processus bien rôdé, servent ensuite d’arguments à la gauche pour accabler l’enseignement privé catholique.
Un tableau pourtant démenti par Emmanuel Assailly, le directeur en place depuis 2022, qui dénonce une cabale idéologique de la part de ces professeurs ultra-minoritaires. Silencieux jusqu’alors, le directeur du collège – qui revendique d’excellentes relations avec le rectorat et la direction diocésaine – donne sa version des faits. Selon lui, tout part d’une poignée de professeurs (environ cinq sur cent vingt) responsables d’incidents à répétition. Visés pour certains par des sanctions administratives, ils auraient décidé, épaulé par la CFDT, de s’en prendre à la direction. Le chef d’établissement ne cache pas son inquiétude : « Il y a eu des débordements très graves. Un des professeurs a par exemple demandé à des élèves de quatrième d’écrire la lettre qu’ils laisseraient avant de se suicider… en s’inspirant de nouvelles du XIXe siècle ! Pour elle, c’était un simple exercice littéraire. »
Le professeur en question a été suspendu par le rectorat de novembre 2024 à mars 2025. Emmanuel Assailly liste plusieurs autres faits inquiétants, comme celui relaté par les élèves d’une classe de sixième : « Un enseignant aurait fait témoigner une élève d’une situation vécue d’inceste, sans que ni sa famille, ni les familles des autres enfants, ni le reste du corps enseignant aient été prévenus. C’est inadmissible et dangereux. »
Des professeurs qui agissent pour masquer leurs manquements
Il poursuit sa série d’autres anecdotes attribuées aux mêmes responsables ; des insultes en salle des profs, une comparaison hasardeuse entre le directeur et le dictateur Staline devant les élèves… Parent délégué depuis plusieurs années, Rosalie est restée stupéfaite après ces révélations, rapportées par son fils de troisième : « On ne prend pas les enfants en cobaye pour leur dire que leur directeur est un chef totalitaire. C’est épouvantable. »
Ces débordements ont poussé Emmanuel Assailly à avertir le rectorat et entamer des procédures disciplinaires. Et c’est à partir de là, selon lui, que les enseignants visés ont contacté la presse. « On n’est pas loin de la diffamation. Ce sont des professeurs qui agissent avec impunité pour masquer leurs manquements professionnels. Tout cela a commencé bien avant mon arrivée. »
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Quant aux accusations d’intégrisme catholique, le responsable nie en bloc. « On parle de deux messes dans l’année, dont aucune n’est obligatoire… Tout le reste de l’éducation catholique est sur la base du volontariat. Nous n’avons rien à nous reprocher. » Une version confirmée par la secrétaire du Conseil supérieur de l’éducation, qui préfère conserver l’anonymat : « Une alternative est proposée à chaque messe. Quant au concours de prières, je veux croire à une blague, ça n’est jamais arrivé, et dans tous les cas il n’est pas interdit de proposer des prières dans un établissement privé. »
Elle-même s’est vu contrainte de porter plainte, début 2025, contre l’un de ces cinq professeurs. Pour diffamation : « J’ai été dénigrée, on m’a reproché d’être à la botte du directeur. » Aujourd’hui, elle regrette surtout un climat délétère pour les collégiens : « C’est une école on ne peut plus calme… Mais maintenant, les enfants sont stupéfaits et tristes, ils en parlent entre eux… » Parent délégué depuis des années, elle comprend mal cette fronde contre un directeur reconnu pour son investissement : « C’est un vrai éducateur, qui a le souci de faire grandir les enfants, très à l’écoute, sans tabou. Il assume un projet éducatif cohérent. »
Elle tient d’ailleurs à préciser que la grande majorité des familles, ainsi que l’Apel (Association des parents d’élèves de l’enseignement catholique), ont apporté leur soutien à la direction. « Ces articles ne sont pas vérifiés, ce n’est pas un travail de pro… Cela vient de quelques professeurs qui font régner la terreur depuis plusieurs années et n’ont pas supporté le changement de direction. »
À la suite des signalements du directeur et des professeurs frondeurs, le rectorat de Versailles a ouvert une enquête administrative en avril. S’il confirme qu’une quinzaine d’enseignants ont déclaré leur intention de changer d’établissement à la rentrée 2025, le rectorat précise que cinq d’entre eux seulement ont effectivement postulé dans d’autres établissements. Les professeurs contactés, ainsi que leur responsable syndical, n’ont pas donné suite. Les conclusions de l’enquête doivent être rendues à la fin de l’année scolaire.
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