Tel l’empereur romain accusé en son temps d’être à l’origine de l’incendie qui ravagea Rome en 64 après Jésus-Christ, Emmanuel Macron a mis le feu à sa majorité avec la dissolution, il y a un an. Les grands brûlés qui en ont réchappé – 93 sur 245 unités dans la précédente Assemblée – le surnomment désormais Néron. Ils s’inquiètent chaque semaine de savoir quel est le dernier caprice du souverain qui s’abattra sur eux.
La semaine dernière, alors que le ministre chargé des Relations avec le Parlement a fait passer la consigne de ne pas répondre à l’exigence de l’Insoumise Mathilde Panot de convoquer une séance sur les guerres d’Israël au Proche-Orient, Emmanuel Macron a pris ses troupes par surprise en demandant – sans prévenir personne – que le Parlement se saisisse du sujet pour un débat et éventuellement un vote. « Depuis quand l’Assemblée est décisionnaire sur la politique étrangère ? » s’étrangle un cadre du groupe EPR. Avant d’ironiser sur la convocation des partis en format « Rencontres de Saint-Denis » autour du président, « comme si la voix de la France avait une quelconque influence dans la crise actuelle… »
C’est peu de dire que la figure du président est désacralisée, elle est carrément moquée, témoigne un habitué de la buvette de l’opposition qui échange régulièrement avec des députés macronistes : « Quand ils parlent de Macron, au mieux ils sont indifférents, au pire ils expriment une forme de honte. »
C’est peu de dire que la figure du président est désacralisée
Les liens sont à ce point abîmés que la parole présidentielle glisse sur les députés de son ancienne majorité comme l’eau sur les ailes d’un canard. Le récent épisode de la loi de simplification qui a supprimé l’instauration de zones à faibles émissions (ZFE) en est une illustration criante. Le 10 juin dernier, à l’occasion du Sommet des océans, le président fustigeait le détricotage de son bilan écologique par le gouvernement et le Parlement. En écho, les partis partenaires MoDem et Horizons, ainsi qu’une partie des députés EPR, shootent les ZFE, provoquant l’ire de Gabriel Attal.
Le gouvernement ne suit plus
Au-delà des injonctions de l’Élysée, c’est la cohérence de la parole présidentielle qui interroge. Obsédé par la défense de son héritage écolo, Emmanuel Macron fustige dans la presse régionale le « brainwashing » (lavage de cerveau) consistant à saturer le débat public avec des faits divers pour dissimuler le recul des questions environnementales. Le lendemain, un collégien de 14 ans tue au couteau une surveillante de son collège, à Nogent, en Haute-Marne.
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Le président monte le son sur le fait divers, évoquant un « déferlement de violence insensé ». De brainwashing, il n’est plus question. Un jour il recadre son ministre de l’Intérieur en Conseil de défense sur la faiblesse des réponses gouvernementales à l’entrisme des Frères musulmans ; une semaine plus tard, depuis le Vietnam, il appelle à « ne pas verser dans le complotisme » en laissant croire que « les Frères musulmans sont partout ». On s’y perd. Quelle est la ligne ? Y a-t-il une montée de la violence ou n’est-ce qu’un paravent masquant les reculs en matière d’écologie ? Les Frères musulmans représentent-ils une menace ou sont-ce des fariboles pour effrayer les Français ?
Le problème des changements de cap erratiques du président s’est accentué avec Bayrou. « Au moins, Michel Barnier n’hésitait pas à tendre le rapport de forces, imposant sa ligne gouvernementale, témoigne un conseiller ministériel. François Bayrou, lui, est indifférent et n’a souvent pas non plus de ligne précise sur les sujets, donc il n’y a aucun cap, aucune cohérence. Le gouvernement fonctionne en silo, chaque ministre imprime les décisions de sa couleur politique. »
Le fantôme de la majorité perdue
Le problème est qu’il faudra encore tenir deux ans et qu’Emmanuel Macron n’a pas l’intention de s’en tenir à inaugurer les chrysanthèmes pour le temps qu’il lui reste. « Jusqu’au dernier quart d’heure je présiderai », a-t-il prévenu. « Il estime que son mandat est loin d’être terminé et il veut réformer encore », confirme un de ses soutiens de la première heure. Sauf qu’il n’a plus les commandes et qu’il se heurte invariablement à la dure réalité. Est-il dans le déni ? « Il fait comme s’il avait encore une majorité, même relative, décrypte une voix expérimentée de l’Assemblée. Il reçoit à déjeuner des députés Horizons, MoDem et Renaissance ensemble, comme s’ils étaient majoritaires et unis derrière lui. Il se trompe, il n’y a plus d’unité depuis la dissolution, chacun joue son jeu. Il devrait les voir séparément pour mieux les canaliser, les driver. »
Lors de ses vœux en début d’année, Emmanuel Macron avait avancé l’idée d’organiser des référendums « sur de grands sujets qui intéressent les Français ». Le président a fait plancher ses conseillers tout l’hiver. Certains annonçaient un premier référendum à l’été et d’autres à l’occasion des municipales. Le 13 mai dernier, l’Élysée avait alerté la presse en amont de l’émission sur TF1, pour reprendre la main : Emmanuel Macron allait annoncer un ou plusieurs référendums. Les Français – si tant est qu’ils s’impatientent – attendent toujours.
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