L’union des droites est-elle possible ? Serpent de mer pour les uns, vieux rêve pour les autres, la perspective française de cette alliance demeure incertaine. Pour au moins deux raisons : l’une de fond, indissociable de notre culture politique ; l’autre, plus récente, mais liée à notre configuration institutionnelle.
L’histoire française est idéologique — tout au moins depuis la Révolution, qui a inventé l’affrontement entre la droite et la gauche sur un mode irréductiblement belliciste, et où l’exclusivité à enrôler le Bien par la seconde dicte souvent les conduites des partisans de la première, tout au moins d’une partie de ces derniers. Cet assujettissement moral ne vaut pas réalité sociale, mais il corsète le pluralisme en le soumettant à une vision univoque des évolutions de la société.
Épicentre historique de la bipartition idéologique, la France reste modelée par une singularité qui postule une sorte de supériorité transcendante des gauches sur les droites, déniant en fin de compte l’autonomie des dernières, dès lors contraintes à s’aligner sur les prérequis de leurs concurrentes, comme si celles-ci fixaient les règles du jeu dont elles sont par ailleurs parties prenantes.
L’émergence du FN dans les années 1980 a servi à merveille cette prédisposition en lui conférant une efficience stratégique dans laquelle le machiavélisme de François Mitterrand a puisé un ressort qui demeure encore opérationnel, comme en témoigne la consultation législative de l’été 2024. Le fétiche du « front républicain », même érodé, a apporté la démonstration qu’il demeurait un instrument efficient.
La « sectarisation » de la vie politique française a pour caractéristique de sectoriser ce qui distingue l’acceptable de l’inacceptable… aux yeux des « autoproclamées » forces du « progrès ». Ce monopole moralisant interdit aux droites de s’unir en France, quand en Italie et ailleurs elles y parviennent.
La suite après cette publicité
L’autre raison est à rechercher — circonstanciée celle-ci — au sein même de la matrice de notre régime, dont le métronome politique est rythmé par l’élection présidentielle au suffrage universel direct. Outre que la quatripartition des droites (RN/UDR, Reconquête, LR, Horizons) tend mécaniquement à produire des candidats potentiels dans chaque camp, la relation de ces dernières au bilan macroniste est diverse : comptable absolue de ce dernier pour Horizons, ambivalente pour LR, résolument en opposition pour le RN et Reconquête.
Alors que se profile la fin du double quinquennat d’Emmanuel Macron, cette différenciation du rapport à l’héritage du président en exercice entretient l’ombre d’un doute sur la cohérence du projet qui pourrait être porté par une union des droites encore fortement hypothétique. D’un côté, une droite de gouvernement post-souverainiste ; de l’autre, une droite se revendiquant du souverainisme : existentiellement, l’articulation des deux courants apparaît improbable si l’on se projette dans la durée indispensable pour fabriquer une coalition gouvernementale pérenne — ce d’autant plus que le « philippisme », sorte de rocardisme de droite, est peu soluble, quand bien même une part non négligeable de son électorat pourrait l’être, dans un large rassemblement.
Pour autant, une porosité de plus en plus marquée s’installe entre les différentes marques, ne serait-ce que parce que les enjeux régaliens s’imposent toujours plus comme une priorité grandissante dans l’agenda d’attentes des opinions. Les sondages objectivent une volonté croissante d’union, indexée entre autres sur les préoccupations d’ordre et d’identité. Ce sont bien ces enjeux qui sont susceptibles, sur le moyen terme, de réinitialiser les logiciels.
Les états-majors n’y sont pas encore prêts, tant les conformismes idéologiques, d’une part, et les freins partisans, d’autre part, perdurent. Il se pourrait néanmoins qu’à la faveur de générations nouvelles — vieille loi de l’histoire — se construise progressivement la vertèbre indissociable des grands aggiornamentos. Encore faudra-t-il, pour y parvenir, transgresser les verrous quasi « théologiques » des préjugés politico-médiatiques et faire émerger une incarnation combinant l’épaisseur de l’expérience à la vertu de caractère : en d’autres termes, un homme qui fasse l’histoire et qui ne la subisse pas…
Source : Lire Plus





