Emmanuel Macron a repris son tour du monde des tapis rouges. Le président globe-trotter est l’incarnation vivante de la mondialisation heureuse. Prochaine étape, Londres en visite d’État. Le couple présidentiel sera reçu au château de Windsor par Charles et Camilla. En grande solennité mais en toute simplicité… en même temps !
Il y a deux ans, à l’Arc de Triomphe où ils venaient ranimer la flamme, Emmanuel tapait sur le ventre de Charles qui se laissait faire, bon garçon. Le président français surjoue l’entente cordiale qui reste toujours un peu artificielle, la faute à mille ans de guerre entre les deux grandes puissances. Ni le roi ni le président n’ont désormais de prise sur les événements. L’un miné par le cancer, l’autre par la dissolution. Leurs gouvernements aussi impopulaires. Des pays voisins marginalisés par la marche du monde. Les deux font semblant. Le pouvoir devient une entreprise d’événementiel.
Emmanuel Macron ira à Londres avec un cadeau royal. L’accord 1 pour 1 est un projet pilote, censé améliorer le problème lancinant des migrants clandestins qui franchissent la Manche à bord de petites embarcations.
Un quart de siècle
Ils étaient 37 000 à tenter la traversée, l’an dernier. Soit 20 % de plus que l’année précédente. Depuis janvier, les chiffres ont encore augmenté de 40 %. Le problème est ancien : le démantèlement du camp de Sangate, à côté de Calais, avait été négocié en 2002 par Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur. Depuis 2004 et le traité du Touquet, la frontière britannique passe par les plages françaises, d’où embarquent les migrants et d’où les polices des deux pays coopèrent. Cela fait donc près d’un quart de siècle que les deux voisins gèrent ensemble cette marée humaine. Leur échec patent est lourd de conséquences.
En 2016, la campagne pour le Brexit s’est longuement attardée sur l’invasion silencieuse, laissant croire aux Britanniques qu’ils reprendraient le contrôle de leurs frontières. Ayant payé au prix fort le divorce avec l’Union européenne, l’opinion est exaspérée par les petites embarcations qui continuent de débarquer sur leurs côtes les demandeurs d’asile. À tort, elle imagine qu’il serait facile de les bloquer. Rêve de Trafalgar. Sans réaliser que des migrants qui ont traversé le Moyen-Orient et la Méditerranée ne se laissent pas décourager par les 32 kilomètres qui séparent Douvres de Calais. Le Royaume-Uni n’est pas l’Australie.
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Pour la première fois depuis le Brexit, la France va fixer sur son sol des étrangers en route pour un pays voisin
L’opinion enrage contre l’incurie des Français qu’elle paie comme garde-frontières (150 millionspar an). La droite britannique nous soupçonne même d’exporter les étrangers qui nous encombrent, ce qui prouve qu’on peut être à la fois perfide et naïf. La frustration est telle qu’il a suffi l’été dernier d’un fait divers sanglant à Southport pour que des émeutes anti-migrants enflamment le royaume pendant dix jours.
Mondialisation subie
L’accord 1 pour 1 prévoit que la France prenne en charge un migrant refoulé par les Britanniques et l’éloigne dans de lointaines provinces, à chaque fois que le royaume acceptera de délivrer un visa à un autre candidat remplissant les conditions requises. Un dehors pour un dedans. Un pour les Français, un pour les Britanniques. Les équipes binationales seront dotées de moyens biométriques pour identifier les migrants. Les autorités insistent sur ce gadget. Il s’agit d’impressionner ceux qui s’interrogent sur l’intérêt du dispositif. Car 1 + 1 n’est pas un jeu à somme nulle.
Pour la première fois depuis le Brexit, la France va fixer sur son sol des étrangers en route pour un pays voisin. Ceux qui dénoncent la permissivité britannique sur l’emploi des sans-papiers, ceux qu’inquiètent le chaos migratoire et les risques qu’il fait peser sur l’unité de la nation jugeront que 1 + 1 est la solution la plus nulle jamais envisagée. Un symbole de la mondialisation subie, donc malheureuse.
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