
« Pierre, ne te gratte pas. » Le conseil vient d’un prêtre plus ancien au dernier arrivé à Dachau, l’abbé Pierre de Porcaro, matricule 138 374. Il a 41 ans. En ce mois de janvier 1945, l’effondrement du Troisième Reich n’est plus qu’une question de mois, mais le nouveau venu ignore encore qu’une piqûre de pou peut provoquer la mort plus sûrement que le froid, les brimades et le travail harassant dans les camps. L’insecte est en effet porteur de la bactérie du typhus…
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Pourtant, ce n’est pas la première expérience d’internement de ce jeune prêtre pendant la Seconde guerre. Déjà en 1940, mobilisé au sein d’un régiment de chars dans les Vosges, il avait été fait prisonnier dans un Stalag pendant une année. Paradoxalement, Pierre de Porcaro restera marqué par cette expérience qu’il qualifiera de véritable « trésor » spirituel. Il donnait des cours de théologie et d’Écriture Sainte dans le camp, on y parlait de sainte Thérèse de Lisieux et de saint Thomas d’Aquin. Bref, un véritable « séminaire » pour un prêtre !
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« S’il faut des grâces pour tenir, le Seigneur fera un miracle »
Est-ce la raison pour laquelle, revenu en France, il accepte de repartir en Allemagne en 1943, à la demande de son évêque, comme prêtre clandestin auprès des ouvriers du Service du travail obligatoire. « Égoïstement, je préférerais rester ici », écrit-il, déchiré. « En vérité, c’est un nouvel appel à la croix. Toute croix comporte ses grâces : s’il faut des grâces pour tenir, le Seigneur fera un miracle ».
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Et il accepte, en sachant qu’il s’agit très probablement d’un aller sans retour… Pourtant, son enthousiasme de jeune prêtre faisait des merveilles auprès de la jeunesse dans sa paroisse de Saint-Germain-en-Laye, par le scoutisme et les patronages. Un entraîneur d’hommes !
Le 11 septembre 1944, à Dresde, il est dénoncé par un autre membre du STO. L’abbé de Porcaro connaît le nom du mouchard, mais il l’emportera dans sa tombe. Arrêté par la Gestapo, il est envoyé à Dachau, prototype du système concentrationnaire, où il retrouve nombre de ses confrères : ils sont 2720 dans la fameuse « baraque des prêtres », parfaitement décrite par Guillaume Zeller dans son livre éponyme (Tallandier).
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Près de la moitié n’en reviendra pas. Regroupés grâce au pape Pie XII dans le block 26, des prêtres de toutes nationalités récitent les complies et le chapelet, se parlent en latin pour contourner la barrière linguistique, et s’organisent pour pouvoir y célébrer la messe chaque jour, grâce à un réseau clandestin au sein du camp. Une fraternité incroyable, sans bassesse ni lâcheté, qui contraste avec la dégradation humaine qui règne souvent, sous la violence des SS et des kapos.
Mais Pierre a fini par se gratter… Par ses plaies ainsi ouvertes, il contracte le typhus qui l’emporte en huit semaines, malgré une constitution physique vigoureuse, et finit au crématoire. Seul subsistera de l’abbé, outre son ceinturon scout, le souvenir d’une âme lumineuse au milieu de l’horreur, incarnant une forme de résistance spirituelle qui est la réponse des saints au mal. En reconnaissant son martyre, le pape Léon XIV a ainsi ouvert la voie à une béatification prochaine de Pierre de Porcaro, lui qui avait par avance accepté de « mourir sur une terre étrangère, loin de tout, loin de tous ». En ajoutant : « Notre-Dame des Sept Douleurs, présentez mon offrande. »
En partenariat avec France Catholique.
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