Jean-Paul M., le retraité agricole de 74 ans qui a lancé un œuf sur le président du RN samedi dans le Tarn-et-Garonne, avait déjà ciblé Éric Zemmour en 2022. Mais son entourage nie un engagement politique « à l’extrême gauche » que dénonce le Rassemblement national.
C’est le raisin chasselas qui a donné à Moissac (Tarn-et-Garonne) son surnom de « cité uvale ». Rien à voir avec les œufs, comme le mot pourrait le laisser penser. Mais c’est aussi ce que pourrait laisser croire cette fâcheuse habitude que les hommes politiques de passage y soient visés par un œuf. Après Éric Zemmour en 2022, Jordan Bardella en a été la cible samedi. Avec le même auteur dans les deux cas, ainsi que l’a révélé ce dimanche La Dépêche du midi : Jean-Paul M., un retraité agricole de 74 ans.
À l’été 2022, il avait été condamné à 500 euros d’amende avec sursis pour « violence avec préméditation. » Une nouvelle fois, il a été placé en garde à vue. « Il n’a pas nié les faits mais n’a pas vraiment expliqué son geste », expliquait une source judiciaire citée par la Dépêche.
Pour le RN, nul doute que l’individu est ancré dans la mouvance d’« extrême gauche ». « Il est passé par le Parti communiste et la CGT », croit même savoir le maire (RN) de Moissac, Romain Lopez, sans aucunement le documenter. « Ce n’est pas quelqu’un de politisé, contredit pourtant Pierre, le frère de Jean-Paul, que nous avons pu joindre ce dimanche par téléphone. Il n’est adhérent d’aucun parti politique, même si ses actions sont axées sur les extrémistes. »
En 2022, Jean-Paul M. avait expliqué s’en être pris à Éric Zemmour en raison de ses propos sur le handicap. Fustigeant « l’obsession de l’inclusion », Zemmour se prononçait pour que les enfants handicapés soient scolarisés dans des établissements dédiés plutôt que dans des classes avec les autres élèves.
Une problématique qui touche de près Jean-Paul M., lui-même père d’un garçon autiste de 15 ans. « Sa situation est compliquée, souffle son frère. Son fils ne parle pas. Il s’en occupe beaucoup. Psychologiquement, ça l’affecte, et ça peut aussi expliquer tout ça… » « C’est très dur au quotidien, d’autant plus que la France a 40 ans de retard pour leur prise en charge, avait justifié Jean-Paul M. en 2022. Les propos d’Éric Zemmour sur les enfants handicapés m’ont profondément choqué : c’est la raison pour laquelle j’ai mené cette action. »
« Quelqu’un d’humaniste, ouvert aux autres »
Le lendemain, une rencontre avait été organisée avec Éric Zemmour, au cours de laquelle Jean-Paul M. s’était excusé pour son geste, lui offrant au passage un livre de l’autrice féministe Anaïs Nin. Toujours en 2022, il s’en était ensuite pris à un bus de campagne de Marine Le Pen, également en lançant des œufs. Cette fois, il n’avait pas été condamné, car les dommages n’avaient pu être mis en évidence.
« On ne comprend pas bien, poursuit son frère. C’est quelqu’un d’humaniste, ouvert aux autres. S’il veut faire avancer ses idées, il devrait le faire dans le cadre d’actions collectives plutôt que par ces gestes isolés, qui risquent de plus d’être réprimés par la justice. Je crois qu’il ne mesure pas bien ce qu’il fait. »
Domicilié à Castelsarrasin, à 5 km au sud de Moissac, Jean-Paul M. est avant tout un passionné de littérature. Une passion qui, en 2001, lui avait valu d’être invité à Paris par Bernard Pivot dans le jury du prix de l’essai France Télévisions. Un article du Monde relevait alors « sa voix discordante », témoignant de « la constance de rebelle » de « ce militant de l’écrit et de la Confédération paysanne. »
Depuis, ce n’est pas au nom de la « Conf’ », syndicat agricole classé à gauche, mais sur une liste de l’association départementale des retraités agricoles (Adra) qu’il s’était présenté en 2018 aux élections de la Chambre d’agriculture.
« Il n’est militant de rien du tout, complète Me Rachel Lheureux, qui fut son avocate en 2022. À ce moment-là, c’est vraiment cette question du handicap qui avait alimenté sa crispation, et qu’il revendiquait. » « Mais Jordan Bardella n’a jamais rien dit sur les handicapés, ça démontre bien que son agresseur est d’extrême gauche ! », s’agace-t-on au RN.
« Pas un dangereux extrémiste »
Me Rachel Lheureux est forcée de constater que l’extrême droite reste sa cible privilégiée. « Rationnellement, on voit qu’il y a une hostilité », reconnaît-elle. « Il s’agit d’une réaction critique qui vaut ce qu’elle vaut, note l’avocate. C’est quelqu’un qui ne souhaite pas être dans la lumière, et qui agit pour lui et non pas au nom d’une quelconque cause. Ce n’est pas un dangereux extrémiste. »
« Plus nous progressons, plus nous nous rapprochons du pouvoir, et plus la violence de l’extrême gauche, de l’intolérance et de la bêtise pure se déchaîne », pointe Jordan Bardella sur X, au diapason des autres cadres de son parti. Les menaces ciblent-elles tout particulièrement le RN ? « Je ne rentrerai pas dans ces débats. (…) Un certain nombre de parlementaires de la France insoumise reçoivent aussi des menaces. (…) Nous protégerons tous les élus », a répondu ce dimanche sur BFMTV le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez, dénonçant un « durcissement du climat politique ».







Que de raccourcis faits sur cet individu. Attention, “gens du RN” de ne pas tomber trop vite dans la victimisation et de ne pas coller trop facilement des étiquettes. Vous le reprochez, et à juste titre quand vous, vous en êtes la cible.