Depuis le 10 avril, une minorité de Français « privilégiés » (18,2 millions, soit 45 % des foyers fiscaux) sont invités à calculer puis s’acquitter de leur impôt sur le revenu. Pour répondre à cette question philosophique et concrète, Bercy a construit un site particulièrement bien fait, et très pédagogique, dont on fera ici, une fois n’est pas coutume, la publicité : economie.gouv.fr/aqsmi.
On y découvre, avec des mots simples, concrets et un vrai effort de transparence, des choses que nous avions pu oublier. Ainsi, sur 1 000 euros d’impôts, les premiers bénéficiaires de nos largesses sont, de très, très, très loin, nos seniors : 253 euros rien que pour eux. Dix-sept millions de retraités peuvent dire merci à 30 millions de cotisants très actifs, contribuant du quart de leurs impôts pour eux seuls. Viennent ensuite les malades, c’est-à-dire nous tous, à un moment de notre vie, ainsi que nos parents, nos enfants. La santé est hors de prix pour la collectivité nationale, mais gratuite pour tous, alors on en profite : 201 euros sur 1 000. Et tant pis pour les abus : les arrêts maladie ont explosé en France depuis le Covid, passant de 6 à plus de 10 milliards d’euros d’indemnités annuelles.
Le reste des prestations sociales (famille 40 euros, chômage 29 euros, autres solidarités 25 euros, logement 13 euros) représente environ la moitié (107 euros) des dépenses de santé. S’y mélangent pêle-mêle des investissements légitimes pour rendre moins dure la vie de millions de nos compatriotes les plus blessés par la vie, pour lesquels un toit, un travail digne sont un espoir pour lequel se battre, et une grasse pension de retraité, une chimère. À côté de ces investissements légitimes, des abus qui sont la honte de notre pays et de leurs bénéficiaires : les cumulards au RSA et autres prestations sociales, souvent à côté d’un travail au noir, ou pour financer une vie de paresse et d’inutilité sociale.
Séparer le bon grain de l’ivraie
Mais, depuis quarante-quatre ans, personne ne cherche à démêler les investissements légitimes de ces dépenses ignobles, le bon grain de l’ivraie, alors on charge la barque, les déficits la trouent de toutes parts, et tant pis pour ceux qui viendront après nous. Mais le temps de la traversée, ceux qui rament, triment et travaillent ne supportent plus de contempler ceux qui abusent du système, et leur ressemblent de moins en moins. Quand le compatriote se fait passager clandestin – et il ne s’agit pas d’une question de couleur de peau ou de cultures allogènes –, peut-il encore y avoir un contrat social ? Contrat qui s’exprime très concrètement par le consentement à l’impôt ou non.
Les politiques de tous bord ont tellement mal géré notre argent
En dehors du podium (retraites, maladie, solidarités), les autres usages de nos impôts sont connus, mais leur hiérarchie réserve quelques surprises. En quatrième position, le monstre bureaucratique de l’Éducation nationale engloutit 88 euros pour financer une École et des universités gratuites, mais aussi 6,7 milliards d’euros de dépenses de personnel non enseignant, en hausse de 2,4 milliards d’euros en cinq ans, quand le nombre d’élèves baisse.
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La proposition Warren Buffett
Viennent ensuite les dépenses de fonctionnement des administrations (66 euros), qui font quasi jeu égal avec le soutien aux entreprises, et les transports et équipements collectifs. Mais ce qui choque le plus – pas autant que nos monstrueuses dépenses sociales, mais tout de même –, c’est ce que nous reléguons tout en bas de nos priorités budgétaires.
À savoir, dans les temps dangereux qui sont les nôtres, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières : notre défense (31 euros), notre sécurité (25 euros), nos infrastructures (11 euros) et la justice (5 euros, prisons incluses). Et là, on ne comprend plus, on n’accepte plus les abus précédemment cités et ceux qui se cachent derrière les budgets très roboratifs de la culture et des loisirs (26 euros, audiovisuel public inclus), notamment.
Alors, quelle contre-proposition cette semaine pour mettre fin au tonneau des Danaïdes, rétablir un vrai consentement à l’impôt, de plus en plus ténu, et fortifier notre contrat social vers les vraies priorités régaliennes ?
Appelons-la la proposition Warren Buffett, du nom du légendaire investisseur américain. À 94 ans, le mois dernier, on lui demandait la solution pour régler le problème du déficit public américain, proportionnellement aussi monstrueux que le nôtre. Réponse : « C’est très simple : vous passez une loi pour dire que, chaque fois que le déficit dépasse 3 % du PIB, tous les parlementaires en fonction cette année-là deviennent inéligibles. » Ce qui a l’air d’une plaisanterie est très sérieux : on ne demande pas à nos élus de faire de beaux discours, de belles images ou de beaux tweets.
On leur demande de gérer sérieusement et efficacement les ressources privées que nous leur confions, en vue de faire nation. Sinon, les Français s’organiseront pour les placer toujours ailleurs, économie souterraine ou à l’étranger. Or, depuis quarante-quatre ans, les politiques de tous bords ont tellement mal géré notre argent et nos priorités que le service de la dette (qui illustre le coût de leur mauvaise gestion, de leurs dérapages successifs hors de contrôle) dépasse désormais (51 milliards d’euros) le budget de la défense, de la sécurité intérieure, de la recherche, ou celui des infrastructures et de la justice réunies. C’est le chiffre de notre honte collective.
Dégonfler la baudruche
La contre-proposition est la suivante : le prochain exécutif passera une loi, ou une réforme constitutionnelle, sur la règle d’or pour interdire toute forme de hausse d’impôts en France, sur les particuliers comme les entreprises et les organisations – nous sommes déjà la lanterne rouge du monde développé sur ce critère, rendre effectivement inéligibles tous les parlementaires qui, à compter de l’actuelle législature, auront fait voter, ou laissé exécuter, un budget en déficit de plus de 3 % du PIB.
Ce dispositif forcera nos élus à être responsables au-delà des mots : le discours de la semaine dernière sur les déficits était très bien, mais ce n’étaient que des mots. Faire des économies ou trouver des ressources (suppression des 35 heures, âge de la retraite, retraite par capitalisation) pour dégonfler la baudruche désormais intolérable de nos dépenses de protection sociale. S’il n’est pas obligatoire de travailler comme Warren Buffet jusqu’à l’âge de 94 ans, il n’est plus acceptable de se laisser aller à dépenser au-delà de ce que nous gagnons, pour finir à l’hospice des grandes nations. Nous sommes la France, pas un Ehpad en devenir.
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